« Situation d'urgence pour les migrants de Calais » titre en Une le Journal La Croix qui tire la sonnette d'alarme. Alors que les Français profitent du soleil sur la plage, quatre ONG ont installé dans la zone où vivent les migrants des équipements semblables à ceux qu'elles déploient dans les camps humanitaires à l'étranger : des latrines, des kits-cabanes mais aussi des jerricans pour l'eau potable ont été mis à disposition des migrants. Et La Croix publie de nombreuses photos où l’on peut constater la réalité pitoyable de ce qu'il considère être un « bidonville géant » de 3 000 migrants apparus dans les dunes il y a quatre mois. On y voit même une petite église de fortune construite de bric et de broc.
Afghanistan, Liban, Haïti, Mali, Syrie et Calais ironise La Croix qui rappelle que cela fait plus de 15 ans que les autorités sont dans l'impasse. Le camp de Sangatte avait été ouvert par le gouvernement Jospin en 1999 pour tenter d'accueillir à l'origine quelque 200 migrants. Vite débordé, il a été fermé en 2002, sous la pression des Britanniques, alors qu'il comptait déjà plus de 1 600 migrants. Depuis, les squats s'y sont développés dans la plus grande anarchie, maintes fois démantelés notamment sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Aujourd'hui, les autorités françaises sont dans l'impasse pour régler le problème et tentent de convaincre notamment la Grande-Bretagne d’être plus flexible en matière d'accueil. Pour la préfète du Pas-de-Calais interrogée par La Croix, aujourd'hui tout « l'enjeu est d'améliorer l'accueil sans créer d'appel d'air pour d'autres migrants ».
Le quotidien catholique évoque au passage la situation encore plus crispée en Italie. Dans certains endroits, des affrontements entre résidents, migrants et militants d'extrême-droite se sont succédés ces derniers temps.
Débat houleux en perspective à l’Assemblée.
Le gouvernement présente son projet de loi relatif aux droits des étrangers à l'Assemblée aujourd'hui.
Ce projet promis par François Hollande, rappelle Le Figaro, va selon l'opposition « à l’encontre de l’objectif de maîtrise des flux migratoires affiché par l’exécutif ». Et justement c'est sur le sort des réfugiés, que la droite se mobilise le plus. Le gouvernement voudrait accélérer le processus d'octroi du droit d'asile et propose la création d'une carte de séjour pluriannuelle. « La disposition la plus dangereuse concerne les déboutés du droit d’asile en attente d’expulsion », selon le député républicain Thierry Mariani qui préside aussi la Commission des migrants et des réfugiés à l'Assemblée nationale. « On demande à un étranger en situation irrégulière de bien vouloir ne pas changer d’adresse, le temps qu’on vienne le chercher, c’est de l’angélisme », s'insurge-t-il. Autre point de friction, la fameuse « carte d'étranger malade », qui permettra aux migrants d'avoir accès à des soins. «Pouvons-nous le supporter, alors que l’AME, l'Aide médicale de l’État, réservée aux immigrés en situation irrégulière, nous coûte déjà près de 1 milliard d’euros ? » interroge le député des Français de l'étranger dans Le Figaro. Le quotidien conservateur constate que le nombre de réfugiés politiques en France a fait un saut de plus 35 % entre 2011 et 2014.
Procès Habré : le double symbole.
Tous les journaux reviennent aussi sur le procès Hissène Habré qui s'ouvre aujourd'hui à Dakar. On retrouve à peu près la même photo, du Figaro à Libération qui en fait sa Une. C’est celle d'un Hissène Habré levant le bras droit en l'air, à la sortie du tribunal de Dakar, vêtu de son éternel boubou blanc, et enturbanné dans un long chèche saharien de la même couleur. Salue-t-il des proches, la presse ? En tous les cas, son geste marque une forme de défiance aussi, face aux journalistes, aux photographes venus le voir et l'écouter. Libération revient avec moult photos en noir et blanc sur ce qu'il appelle « la saga sanguinaire de l’ex-dictateur tchadien », qui va être jugé pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et actes de torture à partir de ce lundi, à Dakar.
Son régime qui dura huit ans de 1982 à 1990 fut « marqué par la terreur aveugle et la paranoïa », lit-on. A l'époque de sa chute, par les troupes de l'actuel président Idriss Deby soutenues par Kadhafi, le dictateur avait bénéficié de l'aide discrète des États-Unis et de la France pour s'enfuir au Sénégal. « Hissène Habré a vécu pendant près de deux décennies en toute tranquillité et discrétion à Dakar », raconte une source dont la famille fut proche d’Habré. L’ancien président avait monté ses réseaux sous le régime d’Abdoulaye Wade. C'est comme ça qu'il aurait échappé de peu à l'extradition in extremis vers son pays, en 2011, pourtant réclamé par le Tchad.
→ à lire aussi sur le procès Habré, la Revue de la presse africaine
Le procès des ambigüités…
Le photoreporter Raymond Depardon, qui s'en était approché en 1975 dans le Tibesti, lors d'un reportage sur Françoise Claustres la célèbre ethnologue séquestrée par Hissène Habré, se souvient : « Habré m’impressionnait et me foutait aussi un peu la trouille. Il avait une grande culture, parlait un français parfait, possédait une culture révolutionnaire radicale, très anti-libyenne. Sa culture était au fond assez nassérienne »…
Dans son éditorial, Marc Semo estime que ce procès est un « symbole ». « Habré incarne une histoire française », selon lui, celle d'un pays qui l'avait soutenu pour contrer avec les États-Unis les ambitions panafricaines de Kadhafi. « Le symbole » de l'Afrique aussi, car Habré ne sera pas jugé en Europe, mais bel et bien « par une cour de l'Union africaine à Dakar ». Enfin, toujours dans les colonnes de Libération, Reed Brody, ancien magistrat new-yorkais et avocat porte-parole de Human Rights Watch à l'origine du procès Habré, revient sur l'attitude ambigüe des autorités tchadiennes. Il pense que le président Déby pourtant ennemi d'Hissène Habré craint des retombées car il fut aussi le commandant des forces armées sous Habré, rappelle Reed Brody dans Libération. « On verra très vite si le pouvoir de N’Djamena joue le jeu, dit-il, notamment en ce qui concerne l’acheminement des témoins, mais surtout des vingt et un supplétifs d’Habré qui ont été condamnés à N’Djamena en avril, et qui seront appelés à témoigner par vidéoconférence », peut-on lire dans Libération.