Sommet de la zone euro ce mardi à Bruxelles, convoqué à l’initiative de Paris et Berlin. Une réunion de la dernière chance, serait-on tenté de dire si l’expression n’avait pas déjà été utilisée à maintes reprises. En tout cas, c’est le grand titre des Echos : « Grèce : une ultime chance avant la sortie de l’euro. […] La France et l’Allemagne estiment que la balle est dans le camp grec pour renouer le fil des négociations, pointe le quotidien économique. Faute de nouvelles propositions "précises et sérieuses" ce mardi lors du sommet de la zone euro, un Grexit est en vue. »
Et Les Echos de s’impatienter : « cela fait quatre ans que le dossier grec occupe nuit et jour les esprits européens. Pendant ce temps, la zone euro, dont la cote de confiance a dégringolé, n’a pas progressé, ou si peu. Que les Dix-Neuf réussissent à mettre sur pied un nouveau plan d’aide ou qu’ils préparent la sortie de la Grèce, il faut que cela se fasse vite. »
« En finir, vite ! », renchérit Le Figaro. Le quotidienpour qui le Grexit est désormais inéluctable. « Le temps est venu d’en finir avec ce feuilleton navrant qui voit un client insolvable prétendre dicter ses conditions à ses créditeurs. Les 240 milliards d’euros de la dette grecque sont sans doute perdus pour toujours. Raison de plus, estime Le Figaro, pour ne pas continuer à alimenter le puits sans fond des retraites et des salaires d’une fonction publique pléthorique que le pays ne peut assumer, mais qu’il refuse de réformer. Il ne revient pas aux membres de la zone euro d’exclure les Grecs. Ils se sont exclus eux-mêmes, s’exclame le journal. Sans la perfusion de la BCE, Athènes devra bientôt imprimer sa propre monnaie pour masquer la ruine de ses banques. La sortie de l’euro sera alors, estime Le Figaro, une réalité. »
Alléger ?
Non, rétorque La Croix, le Grexit n’est pas la solution… « Une sortie de l’euro condamnerait les Grecs à une austérité renforcée et à une poursuite de leur appauvrissement, estime le quotidien catholique. Croit-on vraiment qu’il suffit de revenir à une drachme fortement dévaluée pour faire renaître l’économie grecque ? La zone euro, quant à elle, paiera très cher le fait de passer l’un de ses membres par pertes et profits. Elle perdra une partie importante de sa crédibilité mais aussi beaucoup d’argent du fait du non-remboursement des sommes prêtées à la Grèce. Il serait donc plus réaliste, affirme La Croix, de prendre acte dès maintenant de l’incapacité d’Athènes à honorer la totalité de ses échéances et de procéder, en bon ordre, à l’allégement de sa dette. En contrepartie, les Grecs se passeraient d’aide extérieure, à charge pour eux de mener les réformes nécessaires à une sortie de l’ornière. »
Libération est à peu près sur la même ligne : « il faut réduire la dette grecque : on ne trouvera pas d’autre issue au dédale où l’on se perd depuis des années. (…) La réduction est nécessaire pour trois raisons, précise Libé :
1. ne pas « obérer la croissance et condamner les jeunes générations à un avenir de misère. »
2. « fort de l’appui de son peuple, Alexis Tsipras ne pourra rien accepter si cette question est laissée de côté. »
3. « dans la négociation, des acteurs européens (la Commission, la France…) avaient ouvert cette porte pour tenter de débloquer la situation. Il suffit de reprendre la discussion là où elle était. Elle devrait d’ailleurs s’élargir à l’ensemble des dettes souveraines, comme le propose l’économiste Thomas Piketty. La dette plombe l’économie européenne. Quand un boulet vous entraîne vers le fond, il faut s’en délester. »
Marge de négociation
Pour en revenir au sommet de la zone euro qui se tient ce mardi à Bruxelles, « il y a une marge de négociation, estime Le Monde. Que les créanciers posent leurs conditions est plus que normal. Après tout, il s’agit d’argent public. Mais certaines d’entre elles sont condamnées par une majorité d’économistes, notamment ce qui est imposé à Athènes en matière d’excédent budgétaire pour les années à venir. Enfin, même si l’affaire est plus formelle que réelle, M. Tsipras veut obtenir un engagement des créanciers en faveur d’un allégement de la dette d’Athènes. Ce qui devrait lui être accordé. »
« En face, poursuit Le Monde, c’est à M. Tsipras d’apporter les preuves concrètes de la volonté grecque de rester dans l’euro. Les protestations de la Grèce contre l’austérité budgétaire sonneraient plus juste si ce pays avait entrepris de vraies réformes de structure. Il n’y a toujours pas de collecte des impôts digne d’un pays européen, mais toujours autant de facilités fiscales pour les riches, notamment les armateurs, toujours un budget de la Défense aussi absurdement élevé, toujours un refus de solliciter la moindre contribution de la part de l’Eglise orthodoxe, dont la fortune équivaudrait au total de la dette du pays. Plus encore après ce référendum, conclut Le Monde, on a besoin, de part et d’autre, de rétablir de la confiance. C’est l’affaire des politiques, ils ont très peu de temps pour agir. »
Alors, désormais, conclut Le Républicain Lorrain, « c’est l’heure de vérité pour les dix-huit gouvernements de la zone euro qui avaient évacué jusqu’à présent la délicate question de la nature politique de leur copropriété. Cette fois, le moment est venu pour eux de trancher entre un euro fort à l’allemande et un euro affaibli, plus accessible et moins exigeant. Exprimé de façon plus abrupte : sont-ils disposés à ce que la Grèce tire l’euro vers le bas parce que son économie n’est manifestement pas au niveau et ne l’a d’ailleurs jamais été ? Deux points de vue s’opposent, pointe Le Républicain Lorrain. Pour les uns, les négociations avec Athènes doivent reprendre et un compromis doit être trouvé. François Hollande et la gauche française sont sur cette ligne. Pour les autres, il est temps, après une consultation populaire sans équivoque, de se débarrasser du cancre grec et, par la même occasion, d’adresser un signal à tous les mauvais élèves. »
Et les Français dans tout cela ?
Que pensent-ils de la crise grecque ? Le Parisien tente d’apporter des réponses. « Les Français veulent faire bouger l’Europe », constate le journal qui s’appuie sur un sondage. Un sondage qui indique que « les trois quarts des Français, de droite comme de gauche, estiment qu’il y a d’autres solutions que l’austérité pour sortir de la crise. » Toutefois, ce sondage du Parisien montre aussi une certaine exaspération des Français à l’égard de la situation grecque : « ceux qui souhaitent que la Grèce quitte la zone euro sont désormais majoritaires (50 %, contre 49 %), alors qu’ils n’étaient que 39 % le mois dernier. »
Commentaire du Parisien : « l’austérité et la saine gestion n’apparaissent plus forcément comme des dogmes. Notre sondage montre que les Français l’ont bien compris. En votant non, les Grecs ont, sans le vouloir, redonné une bouffée d’oxygène au débat politique sur le Vieux Continent. »