RFI : Vous venez de demander au Conseil de sécurité de l’ONU que la Minusma vous aide à rétablir l’autorité de l’Etat dans le Nord. Sous quelle forme cela pourrait se faire ?
Abdoulaye Diop : Nous souhaitons que, dans cette période intérimaire, les forces du Mali travaillent avec les forces de la Minusma, pour essayer de créer les conditions pour le retour de l’administration, le retour des services sociaux de base, pour essayer de créer une certaine normalité parce que nous avons besoin de répondre immédiatement aussi aux besoins des populations qui doivent ainsi sentir les dividendes. Le travail ensemble, dans le cadre de patrouilles conjointes, est une des possibilités qui existe et qui a été déjà pratiquée. Nous souhaitons que les forces des Nations unies travaillent avec les forces du Mali pour pouvoir sécuriser un certain nombre de localités, mais dans d’autres aussi. Il faudra que cela se fasse dans le cadre du dispositif prévu par l’accord, donc qui prévoit des forces de défense et de sécurité qui se déploient de façon progressive. A Tombouctou, Gao...il y a encore beaucoup de localités où la paix n’est pas entièrement assurée et où nous pouvons travailler ensemble pour sécuriser les convois humanitaires, essayer d’éviter que l’on pose des anciens explosifs le long des routes. Donc il y a beaucoup de choses qu’on peut déjà faire ensemble et même sous le mandat actuel.
Pourtant les autorités maliennes n’ont pas toujours été les dernières à critiquer la Minusma. Récemment encore le président Ibrahim Boubacar Keïta, (IBK) a lui-même publiquement accusé les Nations unies de manquer de justice et d’équité. Est-ce qu’on n’est pas un peu dans la contradiction ?
Il n’y a absolument pas de contradiction. Et le gouvernement du Mali n’a jamais été hostile à la Minusma. Naturellement il a été fustigé ici et là des comportements, des attitudes de certains agents des Nations unies. Ça c’est clair. Mais de façon générale, nous ne remettons pas en cause la mission. Nous avons besoin de la Minusma. Elle a un mandat que souvent la population ne comprend pas. Elle n’est pas chargée de mener la lutte contre le terrorisme par exemple. Il y a peut-être un certain nombre d’incompréhensions à ce niveau-là. Nous savons aussi que la mission elle-même est dénuée d’un certain nombre de moyens. En cela, elle doit être aidée par la communauté internationale et par les autorités maliennes. Nous avons un nouveau climat politique qui est créé. Donc il va falloir regarder devant.
Vous avez promis que le gouvernement respectera tous ses engagements prévus par l’accord. La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) demande des preuves de bonne foi. Quelles mesures allez-vous prendre ?
Nous n’avons pas de démonstrations spécifiques à faire. Et je crois que le gouvernement a fait suffisamment preuve de bonne foi et nous avons déjà dégagé un chronogramme de mise en œuvre de l’accord. Et nous allons travailler dans le cadre du comité de suivi. Ce qui est sûr, c’est que l’engagement a été donné au plus haut niveau par le président de la République lui-même directement à nos frères et sœurs du mouvement. Il reste maintenant à aller de l’avant et à concrétiser cette volonté.
La CMA demande des mesures telles que la libération des prisonniers et la fin des poursuites judiciaires. Est-ce que ça vous semble acceptable ?
Toute question de cette nature devrait être discutée en plein accord avec les autres partenaires. Le gouvernement est engagé à tout mettre en œuvre pour apaiser la situation et restaurer la confiance entre les parties. Les mandats ont été levés dans un esprit d’apaisement. Pour ce qui concerne les crimes, qui sont des crimes imprescriptibles, les personnes répondront le moment venu. Le gouvernement en tout cas a posé un acte politique concernant les crimes contre l’humanité. Il y a un certain nombre de crimes qu’on ne peut pas pardonner. Les individus qui sont responsables de ces crimes répondront le moment venu. L’accord lui-même a indiqué qu’il y a un certain nombre de crimes qui ne peuvent pas bénéficier d’impunités.
Vous-même avez demandé à la CMA de se démarquer des terroristes et des trafiquants de drogue. Que leur demandez-vous de plus alors qu’ils ont déjà signé le principe d’un désarmement et d’une démobilisation ?
Il n’y a pas d’abord que la CMA. Il y a d’autres mouvements aussi qui ont signé l’accord. Il faudra d’abord qu’on évite de considérer qu’il n’y a qu’une partie. Maintenant que nous ne demandons de tout mettre en œuvre pour qu’on puisse appliquer l’accord à la lettre et dans son esprit.
Le retour des réfugiés est présenté comme indispensable pour des élections. Pour vous, ce retour, est-ce que c’est une des priorités ?
C’est important, c’est urgent. Il faut d’abord qu’on puisse créer les conditions nécessaires à restaurer les priorités de l’Etat, à permettre la provision des services de base, pour qu’on puisse créer les conditions pour que les frères et les sœurs puissent revenir. Il appartiendra au gouvernement de définir dans quelle séquence ceci se fera.
Il y a eu de nombreux accords au fil de l’histoire malienne. Pourquoi celui-ci pourrait réussir plus que les autres ?
Il y a d’abord le gouvernement qui est là et qui n’est pas le gouvernement qui était là avant...le président Ibrahim Boubacar Keïta et le Premier ministre Modibo Keïta. Aucun accord de paix n’a mobilisé autant la population malienne pour sa signature et son application. Ce sont des ingrédients qui nous inclinent à croire que les conditions sont aujourd’hui réunies pour définitivement tourner cette page de la paix et de la guerre.