La Turquie est devenue en quelques années l'une des 20 premières économies de la planète. L'AKP, en tant que parti gouvernemental depuis 2002, a été l'artisan et aussi le grand bénéficiaire de ce bond en avant. Le Produit intérieur brut par habitant est aujourd'hui de 11 000 dollars, il a triplé entre 2002 et 2013. Mais depuis, la machine s'est détraquée.
L'électorat traditionnellement acquis au Parti de la justice et du développement souffre de la crise et il manifeste de plus en plus son mécontentement. Le bazar d'Istanbul, l'un de ses bastions historiques, est d'humeur frondeuse. Suite à un ordre d'évacuation de 80 boutiques, les camelots ont commencé à protester. Ils redoutent de voir leurs échoppes rachetées par un propriétaire unique ou un promoteur immobilier.
Les paysans grognent également, car l'agriculture s'étiole. Des exploitations ferment, le chômage augmente dans les campagnes. Partout les prix flambent. La livre turque plonge, le déficit des comptes courants augmente et le parti au pouvoir n'arrive pas à trouver la martingale.
Pourquoi la croissance s'est-elle enrayée ?
La Turquie a fini par être rattrapée par la crise ou plutôt par les crises qui sévissent à ses portes. L'Europe, qui absorbe la moitié de ses exportations, a de moins en moins d'appétit pour ses produits textiles ou métallurgiques en raison de la crise économique.
La guerre en Syrie et en Irak a aussi compromis son commerce avec le Moyen-Orient, où elle expédie notamment de l'acier. Les industries à bas coût, qui se sont développées pendant cette décennie prodigieuse, sont aujourd'hui à la peine.
L'autre faiblesse de l'économie turque, c'est son mode de financement : par le marché. Pendant la période de forte croissance, les investisseurs étrangers ont distribué sans compter. Mais depuis quelque temps, ils désertent, après avoir déversé 22 milliards de dollars sur le marché turc des actions et de la dette turque en 2012. Ils ont réduit leurs achats à 3 milliards de dollars seulement en 2014. Et cette année ils n’achètent plus, ils sont devenus vendeurs.
Les investisseurs étrangers ne croient plus au miracle turc ?
Les investisseurs sont par nature versatiles. Ils vont là où les rendements sont les plus juteux. Et en ce moment, la reprise américaine les attire vers l'Ouest. Cela explique en partie leur reflux de Turquie. Mais par ailleurs, c’est vrai qu’ils commencent à se méfier de la gouvernance du président Erdogan.
Les investisseurs n'ont pas du tout apprécié les interventions insistantes du président auprès de la Banque centrale pour qu'elle abaisse les taux d'intérêt. Ils redoutent aujourd'hui qu'un nouveau gouvernement dominé par l'AKP renforce sa mainmise sur l'économie. Pour la première fois depuis 2002, une victoire du parti au pouvoir en Turquie n'est pas l'option préférée des investisseurs.
EN BREF DANS L’ECONOMIE :
La compagnie pétrolière américaine Chevron prend ses distances avec l'Europe sur le prix du carbone
Pas question de surfacturer l'énergie, déclare le patron de l'une des plus grandes majors américaines. Il rejette l'idée d'un prix élevé du carbone, évoquée ces derniers jours par six producteurs européens d'énergie fossile. A l’approche de la COP21, le fossé se creuse entre les entreprises européennes promptes à s'engager pour le climat et les américaines nettement moins empressées.