A la Une : 30e jour de troubles au Burundi

Cela fait un mois maintenant que la contestation gronde au Burundi. Après les funérailles samedi de l’opposant Zehdi Feruzi, un nouvel appel à manifester a été lancé pour ce lundi, malgré les risques de répression.

Samedi, l’hebdomadaire Iwacu, le seul journal à paraître encore à Bujumbura, lançait cet appel : « rester debout. Malgré tout. Malgré la peur au ventre. Les coups de feu qui trouent les nuits. Les décomptes des morts et blessés. Pour rien. Rester debout malgré les rédactions calcinées, les confrères terrés ou en fuite. (…) Rester debout. S’efforcer de survivre, puisque c’est de survie qu’il s’agit. Lutter contre le désespoir, l’autocensure, se forcer chaque jour à faire simplement son travail : témoigner, voir, dire. Sans toujours comprendre. Peut-on comprendre, en effet, s’interroge Iwacu, comment un pays peut sombrer, politiquement et économiquement au vu et au su de tous ? ».

« Manifestement, la crise burundaise est partie pour durer, estime pour sa part le site d’information guinéen Ledjely.com. Les espoirs que l’on avait cru entrevoir avec la trêve unilatéralement décrétée par le camp opposé au troisième mandat du président Nkurunziza et les initiatives de dialogue du représentant spécial de l’ONU, Saïd Djinnit, ces espoirs n’ont pas duré. Ils ont été vite balayés par l’assassinat de Zehdi Feruzi, le leader de l’UPD et par l’attentat à la grenade au marché de Bujumbura. Voyant dans ces deux actes sanglants la volonté du pouvoir à user de l’intimidation pour venir à bout de la fronde populaire, le mouvement anti-troisième mandat annonce une mobilisation record ce lundi. » Un appel à manifestation « potentiellement porteur de risques, estime encore Ledjlely.com. Pour l’opposition et la société civile burundaise, il est la réponse à la stratégie du pouvoir qui voudrait venir à bout de la contestation par le biais de l’usure, du musellement ou de l’intimidation. En face, Nkurunziza et les siens auront à cœur de ne pas laisser croire que le front de la contestation est massif. Les policiers à la gâchette facile pourraient alors être mis à contribution. Les craintes nourries par la perspective d’un tel face-à-face sont plus que légitimes. »

Escalade ?

La crise burundaise devrait donc durer et même empirer… C’est du moins l’opinion du quotidien Aujourd’hui à Ouagadougou. « Tous les Burundais et les leaders de la contestation en premier, redoutent à présent l’escalade, écrit Aujourd’hui. La preuve, ils ont basculé presque tous dans la clandestinité. Mais personne n’avait pensé que la répression connaîtrait un tel niveau de sauvagerie. Pas même l’infortuné Zehdi Feruzi qui, il y a quelques jours seulement, lors d’un meeting à Musaga, appelait les manifestants à poursuivre la lutte, car la victoire était toute proche. Cette victoire-là, il ne la verra pas, encore moins le dénouement de ce bras de fer incertain. La faute au régime Nkurunziza, s’exclame Aujourd’hui et la soldatesque à sa solde. On en arrive à se demander ce qui pourra stopper le président Nkurunziza et sa clique de laudateurs aux discours sirupeux. (…) Saccageant, incendiant et mordant tout autour, ils ont déjà provoqué la mort d’une trentaine de personnes, réduit au silence cinq stations de radio, renvoyé trois ministres considérés accommodants. La fin des haricots, c’est lorsqu’ils en viennent à lâcher une horde de chérubins sur les dirigeants de l’opposition. Peut-être parce que l’effet escompté, avec la fusillade systématique et systémique des pauvres manifestants, n’a pas été atteint. »

Et malgré tout, conclut Aujourd’hui, « les jeunes de la capitale n’ont pas attendu la fin de la trêve pour se remobiliser, dès que la nouvelle de la disparition tragique de l’opposant Feruzi s’est répandue comme une traînée de poussière. Le cortège des manifestants pourrait grossir considérablement dans les jours à venir. Et les cris exaltés des pionniers de la révolte burundaise pourraient se démultiplier. »

Enfin, s’alarme Le Pays, toujours au Burkina, « la question que les opposants burundais sont en droit de se poser aujourd’hui, après l’assassinat de Zedi Feruzi, est de savoir lequel parmi eux sera la prochaine victime de Nkurunziza. Car cet assassinat pourrait être le premier d’une série d’éliminations physiques des opposants au 3e mandat du satrape de Bujumbura. Une atteinte massive des droits humains n’est pas à écarter au Burundi du fait de Pierre Nkurunziza, estime encore le quotidien ouagalais. Et c’est dans ce contexte que Nkurunziza va reprendre ses tournées dans le cadre de la campagne électorale. »

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