RFI : Au cours de son allocution, dimanche 17 mai, le président burundais n’a pas évoqué la question des élections. En revanche, le porte-parole de sa campagne n’a pas exclu un léger report. Qu’en pensez-vous ?
Domitien Ndayizeye : Ce serait une bonne nouvelle, mais il faut que ça soit repoussé suffisamment de temps pour que les gens puissent se préparer. Mais surtout il faut savoir que les raisons qui ont poussé la population à aller dans la rue ne seraient pas résolues pour autant. Il faut que le parti au pouvoir et le gouvernement discutent avec les partis politiques d’opposition pour qu’ils puissent chacun donner leur avis sur les conditions d’un environnement favorable. C’est ça le plus important.
L’échec du coup d’Etat va-t-il sonner la fin de la contestation ?
Pas du tout. Les contestations dans la rue sont tout à fait différentes de la question liée au putsch. La contestation a eu lieu depuis trois semaines et la question posée était liée au respect de l’accord d’Arusha, les préoccupations étant toujours dans les cœurs des Burundais qui s’expriment à ce propos.
Vous connaissez bien et depuis longtemps, les acteurs de cette crise. Comment est-ce que vous expliquez que le général Godefroid Niyombare ait échoué à faire ce coup d’Etat ?
Je ne suis pas militaire, mais à coup sûr soit il a mal préparé cela, soit il a été trahi. Je connais moins Niyombare, mais bien Cyrille Ndayirukiye, le général qui a été ministre [de la Défense et conseiller principal de l'actuel ministre de la Défense], qui a combattu contre le CNDD-FDD. J’ai beaucoup de difficultés à croire à un général qui va proclamer un coup d’Etat avant de conquérir, et la radio nationale, et la Banque de la République du Burundi et l’aéroport, et qui va dans une radio privée pour aller proclamer qu’il a fait un coup d’Etat. Moi je me pose beaucoup de problèmes. Un coup d’Etat ne se fait pas comme ça et qui je ne crois pas réellement que, un type qui a été instruit ou des gens qui ont été instruits puissent faire cela. A moins d’une chose, c’est qu’ils se soient fait rouler entre eux, les organisateurs. Ou il a été dérouté ou alors c’est un montage ? C’est une question qui reste posée.
En raison de cette tentative de coup d’Etat, le sommet extraordinaire des chefs d'Etat de la Communauté économique des Etats d'Afrique centrale (CEEAC) a été écourté. Qu’attendez-vous aujourd’hui de la communauté régionale et internationale concrètement ?
Je pense que la démarche qui avait été entreprise par la sous-région était une bonne démarche dans la mesure où les autres chefs d’Etat voulaient écouter et persuader le président Nkurunziza de ne pas briguer ce troisième mandat. Qu’est-ce qui le lie aujourd’hui au pouvoir ipso facto jusqu’à hypothéquer l’avenir sécuritaire de notre pays. Allez savoir ! Les préoccupations, il faut que le président de la République les expose à des gens en qui il a confiance pour qu’ils puissent l’aider à les résoudre.
Quelles sont ses préoccupations ?
Il y a des questions certainement liées à son passé, un passé de la rébellion. Il y a certainement des questions liées à la gestion économique du Burundi. Il y a certainement des questions liées à son avenir. [...] Et ça, ce sont les questions auxquelles on peut trouver des solutions avec l’aide de pays amis et même de la communauté internationale, pourvu que cela ramène la paix au Burundi.
Certains plaident par exemple pour un statut, pour les anciens chefs de l’Etat. Vous seriez favorable à ce genre de solution par exemple ?
Nous avons trouvé par mal de solutions au passé burundais. Aujourd’hui nous avons mis en place la Commission vérité et réconciliation, et pour lire notre passé, et pour pouvoir trouver une solution et pourquoi pas nous pardonner les uns les autres. Pourquoi est-ce qu’on ne peut pas envisager cela autour du président Nkurunziza et ses amis politiques dans le cadre de la Commission vérité et réconciliation. Si cela s’avère nécessaire, pourquoi ne pas en faire une extension.
Vous aviez tenté vous-même de vous adresser à Pierre Nkurunziza en avril pour le dissuader de se présenter. Que vous avait-il répondu à l’époque ?
Je n’ai vraiment pas pu lui parler. J’en ai parlé à certains de ses collègues, de ses amis, du parti pour essayer de les persuader de s’ouvrir, de parler aux autres et que nous étions disponibles à trouver des solutions. Je n’ai pas eu de réponse. Ce que je me suis fait dire, c’est que toute personne qui va aller à l’encontre de cette idée de se représenter va devenir un ennemi. Moi, j’ai estimé qu’être un ennemi, ça ne me servirait à rien.
A lire dans les archives de RFI :
→ Burundi - La transition joue les prolongations (par Monique Mas - Article publié le 17/10/2004)
→ Burundi - Accord de partage du pouvoir au Burundi (Article publié le 19/08/2004)
→ Burundi - Désaccord ratifié à Pretoria (par Monique Mas - Article publié le 06/08/2004)
→ Burundi - Des inconnues dans l’équation de la paix (par Monique Mas - Article publié le 24/11/2003)