Burkina: «Nous avons fait une erreur d'appréciation», avoue E.Komboigo

Il est depuis dimanche dernier le nouveau président du CDP, le parti du président déchu Blaise Compaoré. Eddie Komboïgo, expert-comptable, ancien député, âgé de 47 ans et proche de l’ex-bras droit de Blaise Compaoré, le général Diendéré, promet une véritable « révolution » au sein de son parti. Un parti affaibli par l'insurrection populaire qui l'a chassé du pouvoir. Quelles leçons faut-il en tirer ? Comment faire pour reconquérir le pouvoir ? Eddie Komboigo est l’invité de RFI ce matin.

RFI : Dans un discours le week-end dernier, devant les militants de votre parti, vous avez estimé que l’ancien président Blaise Compaoré s’était trompé en octobre dernier. En quoi s’est-il trompé précisément, selon vous ?

Eddie Komboigo : Le président Blaise Compaoré s’est trompé, et nous également, parce que nous avons souhaité modifier l’article 37. Malheureusement, une grande frange de la population était contre. Nous n’avons pas su répondre à leur requête. Il aurait fallu se donner plus de temps de négociation ou retirer le projet de loi.

Selon vous, il a eu tort de vouloir se représenter, ou bien est-ce que c’est la méthode pour y arriver qui n’était pas la bonne ?

La méthode était légale. Peut-être qu’avec les années passées au pouvoir, nous n’avions pas vu qu’il n’était pas la personne à opérer cette réforme. C’est une pure erreur d’appréciation et nous en avons tiré beaucoup de leçons.

Vous ne craignez pas qu’aux yeux des Burkinabè, il soit un peu trop tard pour reconnaître que le parti s’est trompé ?

Il n’est jamais trop tard pour reconnaître devant un peuple que l’on s’est trompé.

Mais alors, si Blaise Compaoré avec son parti s’est trompé, pourquoi avoir choisi d’en faire le président d’honneur du nouveau conseil national du parti ?

Parce que Blaise Compaoré a beaucoup travaillé pour son peuple. Dans les années 1980, le budget du Burkina Faso était de l’ordre de 100 milliards de francs CFA. Aujourd’hui, le budget du Burkina Faso 2 000 milliards.

Vous promettez une révolution, un changement de cap pour votre parti. Mais en même temps, le CDP se dote d’un nouvel organe, le haut conseil national composé d’anciens du parti, avec comme président d’honneur l’ancien président Blaise Compaoré. Est-ce que ce n’est pas contradictoire ? Comment incarner la rupture dans ces conditions ?

Le haut conseil n’est pas un organe décisionnel. Le haut conseil est un organe de conseil. Nous estimons que ceux qui ont déjà gouverné ont commis des erreurs, ces erreurs doivent nous servir pour que nous n’en commettions plus jamais. Mais nous ne pouvons pas écarter totalement ceux qui ont cette expérience.

En tant que président d’honneur de ce haut conseil, l’ancien président Blaise Compaoré bénéficie, selon le porte-parole de votre parti, des mêmes droits et devoirs que les militants, y compris électoraux. Est-ce que ça signifie qu’on peut s’attendre un jour à ce que Blaise Compaoré soit de nouveau candidat à une élection au Burkina Faso ?

Je ne crois pas que ce soit d’actualité aujourd’hui. Et Blaise Compaoré, là où il est, je crois qu’il prend une retraite bien méritée. Mais je crois qu’il y a suffisamment de Burkinabè pour continuer de poursuivre l’œuvre de Blaise Compaoré. On pourra faire même mieux que Blaise Compaoré. C’est ce que nous souhaitons.

Vous avez annoncé l’intention du CDP de participer aux prochaines élections. Comment comptez-vous concrètement vous organiser, alors que la Cour constitutionnelle a validé le nouveau code électoral, qui rend inéligibles les personnes qui ont soutenu la tentative de modification de la Constitution ?

Je ne vois pas quels moyens la Cour constitutionnelle a, pour pouvoir détecter qui a soutenu ou qui n’a pas soutenu la modification de l’article 37. A quelle date a-ton commencé à soutenir ou à ne pas soutenir ? Si nous avons fait un meeting, réunis dans un stade de 45 000 personnes, ces 45 000 personnes ont-elles soutenu ou pas la modification de l’article 37 ?

Vous dites qu'en l’état, cette loi est difficilement applicable, en fait...

Elle n’est même pas applicable. Nous pensons très sincèrement que c’est une mauvaise loi. Si le parti que nous sommes a été vraiment honni par le peuple, qu’on nous laisse aller aux élections tranquillement et que nous ayons la sanction par les urnes.

Quelle est votre marge de manœuvre aujourd’hui, alors que votre recours a été rejeté par la Cour constitutionnelle ?

Nous avons fait un recours auprès de la Cour de justice de la Cédéao, demandant de déclarer la loi non conforme à l’esprit de la Charte de l’Union africaine de la démocratie. Maintenant, au-delà de la raison purement juridique, nous invitons le gouvernement de transition et les acteurs politiques d’en face à une négociation, pour leur montrer le danger que nous encourrons en maintenant cette loi jusqu’aux élections. La paix dans ce pays dépend de la manière dont nous allons organiser les élections futures, qui doivent forcément être inclusives. Si elles sont inclusives, les perdants iront saluer celui qui aura gagné au soir du 11 octobre 2015. Et nous allons rassurer les investisseurs internationaux, la communauté internationale. Nous aurons fait un pas de grand.

Vous venez d’être élu à la tête d’un parti affaibli qui a perdu beaucoup de militants. Comment comptez-vous recoller les morceaux avant les prochaines échéances électorales ?

Je crois que c’est une vision d’esprit ou une spéculation. Nous n’avons pas perdu quoi que ce soit de notre mobilisation. Certes, certains cadres un peu maladroits ou anxieux ont cru nécessaire d’aller dans d’autres partis. Mais vous allez voir qu’ils vont revenir en masse dans leur parti.

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