La Cour constitutionnelle du Burundi a donc tranché hier : elle a validé la candidature du président sortant, Pierre Nkurunziza, à un troisième mandat.
Le site internet de l’hebdomadaire burundais Iwacu ne cache pas son dépit : « tout le monde sait que les membres de cette prestigieuse instance ont subi des pressions de la part du pouvoir. Le Vice-président de la Cour Constitutionnelle, Sylvère Nimpagaritse, l’a confirmé. Il a fui le pays pour éviter de salir sa réputation et la sacralité de la justice qu’il était appelé à protéger, à dire, à vivre dans une probité sans faille. (…) La Cour constitutionnelle nous impose la candidature à la présidence d’une personne qui, aux yeux de la loi et de l’humanité entière, hors le CNDD-FDD, n’en a aucune prérogative. »
Et Iwacu de s’interroger : « va-t-on passer par pertes et profits ces divagations institutionnelles et laisser le pouvoir enraciner l’anomie dans le pays ? Va-t-on cautionner un processus électoral ligaturé par la terreur, la haine et la violence ? Va-t-on aller vers un marché de dupes dans lequel demain les portes des prisons seront ouvertes mais pour les refermer aussitôt, et à coup sûr, sur un plus grand nombre après-demain ? »
Détermination ou…
Le ton monte également dans la presse de la sous-région… « La communauté internationale ne doit pas continuer de regarder de façon passive ce qui se passe au Burundi, dénonce ainsi Le Pays au Burkina. Il est intolérable que dans un pays dit démocratique, les juges constitutionnels soient réduits à prendre des décisions le pistolet sur la tempe. (...) Quant à Nkurunziza, poursuit Le Pays, il aurait tort de croire que la partie est terminée. En persistant dans sa volonté de violer la Constitution de son pays et les dispositions de l’Accord d’Arusha, le professeur de gymnastique s’est lancé dans une course d’obstacles périlleuse. Il continue de réunir pour lui et les siens, les conditions d’un exil forcé. »
Le quotidien Aujourd’hui, toujours à Ouaga, parle de « pantalonnade : comme le pouvoir, on peut à bon droit dire que la Cour a pris les chemins de traverse, se disqualifiant à jamais aux yeux du peuple. Sans le savoir, elle aura eu le don de jeter de l’huile sur le feu, en contribuant à exacerber les ardeurs militantes des foules déchainées (…). Il ne faudra donc pas être surpris que des actions de guérilla se multiplient dans la capitale burundaise et les alentours, estime Aujourd’hui. Il faut compter avec la jeunesse burundaise ouverte aux spectacles des changements dans le monde et en Afrique particulièrement. Les exemples des luttes menées par les jeunes Sénégalais et Burkinabè parlent si fort qu’ils entendent les récidiver chez eux, dans leur pays. Les jeunes Burundais ont démontré ces derniers jours qu’ils en étaient capables. »
…essoufflement ?
Alors les manifestations vont-elles s’intensifier ? Pas si sûr, répond Guinée Conakry Infos . « Maintenant que la Cour constitutionnelle a légalisé la boulimie de Nkurunziza, jouant sur l’éreintement des manifestants, il est clair que les jeunes dépités veulent souffler un peu. Malgré les soubresauts encore perçus encore hier à Bujumbura, la réaction globalement flasque constatée après l’annonce de ladite validation est un signe qui ne trompe pas. »
« Les opposants à un troisième mandat pour le président burundais tiendront-ils jusqu’au bout ?, s’interroge en écho Ledjely.com, autre site guinéen. Avant-hier encore une telle question aurait été plutôt saugrenue. Mais après les signes d’essoufflement que certains jeunes manifestants ont laissé paraître hier, cette interrogation est des plus légitimes. (…) Il est vrai, pointe le site guinéen, que la police n’est pas allée de main morte dans la répression. Ne procédant pas que par simple intimidation, elle n’a pas hésité à tirer dans le tas. Conséquence, une bonne partie du peuple reste opposée au nouveau bail que le chef de l’Etat entend s’octroyer. Mais personne ne voudrait non plus foncer, tête baissée, vers une mort que l’on sait certaine. (…) Il en résulte que le pouvoir n’entend pas reculer, constate Ledjely.com. Fort de la validation de sa candidature par la Cour constitutionnelle, Pierre Nkurunziza pourrait bien continuer dans son obstination aveugle. Surtout qu’avec la donne actuelle, il pense que l’ardeur du camp adverse est émoussée par la machine répressive qu’il a mise en place. Les opposants burundais et la société civile jurent qu’il n’en sera pas ainsi. Mais cela doit se remarquer sur le terrain, estime encore le site guinéen. Autrement, c’est un boulevard qui s’ouvre aux partisans d’un nouveau mandat présidentiel. »