Burundi: Washington «regrette» la décision du président Nkurunziza

Selon Washington, le président Pierre Nkurunziza porte l’entière responsabilité dans la crise politique que traverse le Burundi. S’il renonçait à se présenter pour un troisième mandat, il permettrait de sauver un pays « au bord de l’explosion ». C’est en substance le message de Robert Jackson, ancien ambassadeur américain au Burundi et sous-secrétaire d’Etat adjoint chargé des affaires africaines. Robert Jackson est l’invité de Nicolas Champeaux. 

RFI : Quel message Washington souhaite adresser à Pierre Nkurunziza alors qu’on approche une fin de semaine qui aura été très agitée dans la capitale ?

Robert Jackson : Il y a deux messages clés. D’abord nous regrettons sa décision de poursuivre un troisième mandat et nous appelons au président et à tous les manifestants de construire un dialogue et de poursuivre la paix. Tous les partis se sont engagés à une campagne paisible et nous croyons que, avec l’approche non seulement des présidentielles mais aussi des élections législatives, il faut avoir un climat paisible et un dialogue, et que la presse soit libre.

Sur la question des libertés, les manifestations actuellement sont interdites. La principale radio privée du pays, la Radio publique africaine (RPA) est fermée. Quelle est la réaction de Washington de ce point de vue-là ?

Cette semaine-ci, c’est la semaine de la presse libre, alors nous estimons que les actions du gouvernement ne sont pas du tout correctes vis-à-vis de la liberté de la presse et nous appelons à la restauration non seulement des émissions par les stations radios, mais également la possibilité d’utiliser l’internet et les médias sociaux.

Et concernant le droit aux rassemblements et aux manifestations ?

Nous croyons que les manifestations sont importantes pour que tous les partis aient la possibilité de s’exprimer. Mais c’est important que ces manifestations restent paisibles.

Donc le gouvernement, les autorités ont tort d’interdire ces rassemblements ?

Le gouvernement utilise les manifestations pour opprimer l’opposition. Et nous estimons que ce que ce que le gouvernement doit faire, c’est d’entrer dans ce dialogue légitime. C’est clair qu’il y a beaucoup de Burundais et Burundaises qui ne veulent pas que le président se présente pour un troisième mandat qui n’est pas en accord avec les Accords d’Arusha, qui prévoyaient seulement deux mandats.

La police burundaise aussi a tiré à balles réelles sur des manifestants, y compris lorsqu’ils fuyaient. Est-ce que Washington condamne ce recours aux tirs à balles réelles ?

Absolument.

Quel type de message le secrétaire d’Etat adjoint des Etats-Unis chargé de la démocratie, Tom Malinowski, a délivré lorsqu’il a rencontré le président Nkurunziza cette semaine ?

Le secrétaire d’Etat a été très clair : le gouvernement a la responsabilité de réduire la tension et que cette tension est liée directement à la décision du président de son parti qui se présente pour un troisième mandat. Cette action met en difficulté l’accord de paix qui a été négocié en 2005 et crée une situation dans laquelle le Burundi risque d’éliminer le progrès qu’on a vu des dix dernières années. Nous croyons qu’on risque une explosion. Il y a plus de 20 000 Burundaises et Burundais qui se sont réfugiés dans les pays voisins et cet exode va continuer.

Les opposants à Pierre Nkurunziza s’interrogent désormais sur l’opportunité d’une participation à la présidentielle. Quel conseil avez-vous à leur donner ?

Il y a deux élections qui viennent : d’abord les législatives, puis les présidentielles. Nous encourageons l’opposition de participer à toutes les élections et d’utiliser les voies légales pour manifester et pour tester leurs soutiens.

Et Pierre Nkurunziza devrait-il renoncer à se présenter à un nouveau mandat ? Est-ce que ce ne serait pas là finalement une solution pour trouver une issue à la crise actuelle ?

J’insiste sur le fait que nous regrettons sa décision et ce n’était pas du tout en accord avec les Accords de paix d’Arusha. Est-ce qu’il doit se retirer ? Ça pourrait calmer les choses, c’est sûr. Est-ce que son parti a le droit de le nommer ? Ça c’est la décision de la Cour constitutionnelle et nous attendons cette décision.

En tout cas, le département d’Etat a regretté sans détours la décision de son parti. Vous aviez parlé d’une occasion historique ratée pour permettre une alternance au Burundi.

Exactement.

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