L’attentat déjoué à Paris fait la Une des journaux français. Le Parisien publie deux photos en une sous un titre choc : « Programmé pour tuer ». Sur la première photo, le visage de Sid Ahmed Ghlam, un étudiant en électronique algérien de 24 ans, arrêté dimanche matin avec un impressionnant arsenal dans le coffre de sa voiture.
Sur la deuxième photo, une église, vraisemblablement de Villejuif, là où le jeune jihadiste avait prévu de frapper à l'arme lourde. Au-delà de la cible, c’est le profil de l’assaillant présumé qui intrigue, relève Le Parisien : celui d’un jeune homme discret, inconnu de la justice, et dont la surveillance par deux fois des services de renseignement n’avait pas permis d’identifier les projets criminels. Le Parisien constate qu'il avait de nombreux complices, avec qui ils correspondaient par SMS. Ces mêmes complices que la police tente de retrouver et qui lui auraient procuré les armes. Pas des moindres, plusieurs fusils mitrailleurs. Des complices qui auraient fait pression sur lui pour qu'il ne renonce pas à son projet d'attentat, malgré ses doutes au dernier moment. On sent que peut-être le jeune Sid Ahmed Ghlam a été embrigadé, manipulé jusqu'au bout, téléguidé.
Pour Fréderic Vezard, dans l'éditorial du Parisien, « cette alerte terroriste, trois mois après les attaques contre Charlie Hebdo et le supermarché Hypercacher, repose cruellement la question des moyens à mettre en œuvre pour neutraliser ces tueurs dormants téléguidés à distance par le groupe Etat islamique ». Mais comme l'a dit le Ministre Bernard Cazeneuve hier sur TF1 : « On ne peut pas mettre dix fonctionnaires pendant des mois sur une personne… »
Le dessin de Willem dans Libération résume bien le climat de peur et l'ultra sécurisation qui pourrait résulter de cette nouvelle alerte. Sur la caricature, on voit une église avec des hélicoptères de la police qui tournent autour. Des forces de l'ordre dispersés sur la place et des fidèles tentent de forcer le passage pour se rendre au lieu de culte. Et alors, on voit un policier casqué qui demande à un curé : « Récitez nous le notre père pour voir », sous entendu, si vous êtes bien chrétien.
L'inquiétude des chrétiens de France
Le Figaro revient sur la nouvelle cible des jihadistes : les chrétiens de France. L'inquiétude est montée d'un cran hier dans les milieux catholiques pratiquants. « ÇA AURAIT ÉTÉ un massacre ! », s'exclame dans Le Figaro, le père Philippe Louveau devant son église Saint-Cyr-Sainte-Julitte à Vilejuif. Dimanche, « l’église, qui compte 350 places, était pleine ».
Dans ses pages le père Olivier Ribadeau Dumas, secrétaire général et porte-parole de la Conférence des évêques de France, lance un appel à la vigilance mais aussi au sang-froid. « Dans les campagnes, dit-il, la gendarmerie surveille les églises, mais avec 45 000 lieux de culte catholiques en France, il est impossible de mettre deux gendarmes devant chaque église ! Chacun doit donc être attentif en veillant, par exemple, à ce qu’il n’y ait pas un colis qui traîne ».
L'un des plus hauts représentants de l'Eglise ajoute dans ce long entretien accordé au Figaro : « Il faut que nous puissions vivre ensemble. La vision de la laïcité française est de construire ensemble, croyants et non-croyants, un projet social où chacun puisse s’exprimer ».
Modèle scolaire en crise ?
Dans Le Figaro encore, un débat sur le rôle de l'école dans les quartiers difficiles. Éric Mestrallet, président de la Fondation Espérance banlieues et le journaliste Harry Roselmack s'interrogent sur la crise profonde que vit le modèle scolaire français. Pour le journaliste c'est le modèle d'intégration plus que le système scolaire en soit qui est défaillant. « Si un certain nombre de jeunes, dans un certain nombre de quartiers se sont désolidarisés du slogan « Je suis Charlie », estime Harry Roselmack, « ce n’est pas parce que l’école a mal fait son travail, mais parce que ces jeunes sont en rupture avec la République ». Le journaliste rappelle les émeutes de 2005, qui sont nées à Montfermeil. « Nous vivons encore dans l’illusion de l’assimilation », constate Eric Mestrallet, dont la Fondation a créé une école modèle avec une méthode d'intégration qui fait polémique : « Le lundi, raconte-t-il, pour commencer la semaine, tous les élèves assistent dans la cour, avec le corps enseignant, au lever des couleurs. Je précise que c’est l’élève le plus méritant de la semaine qui a cet honneur. » (…) « C’est l’occasion pour tout le monde, estime t'il, toujours dans Le Figaro, de se rappeler notre appartenance collective à la communauté nationale, la seule communauté qui vaille dans la République ! » Eric Mestrallet précise que son école est fréquentée à 80 % par des élèves musulmans.
Les vertus intégrationnistes du village
A l'occasion des sorties littéraires de la semaine, La Croix nous fait le récit d'un village de France comme un autre, photographié et raconté dans un livre qui vient de sortir qui s'appelle Le Village. Les deux auteurs ont voulu raconter « une pluralité de visages unis dans la diversité, réunis par un territoire ». Et à Montvicq donc, dans l'Allier, où l'on se retrouve sous l'abri bus quand il pleut, où sur la place de l'église, pour déjeuner à la baraque à frites, on s'inquiète parfois des nouveaux venus. Mais il y a une seule règle qui prime dans ce petit village rural qui n'échappe parfois pas aux préjugés : « il faut faire ses preuves. Gagner du galon comme on dit ».
« A la fin, les habitants perçoivent leur identité commune de manière parfois différente, mais tous savent pourquoi ils sont là », lit-on dans La Croix. C'est peut-être ce qu'ont oublié certains jeunes tentés par le jihadisme. Savoir pourquoi ils sont-là.
Tchicaya U Tam'si : un écrivain engagé et mystique
A l'occasion de la sortie des œuvres complètes de l’auteur congolais, Libération s'arrête sur cet auteur qui depuis toujours à travers ses romans, évoque « la violence coloniale mais aussi le difficile cheminement de son pays vers l'indépendance, ou encore les luttes fratricides entre clans africains ».
Autant de méfaits qui ont une résonnance toute particulière en ces temps d'attaques terroristes et de naufrages de migrants. Mais ce qui a de beau, de touchant dans l'œuvre de cet auteur congolais, à en croire Libération, c'est l'absurdité de l'existence qu'il met en scène. Dans ses romans, « les accidents surviennent avec une brusquerie égale à ceux de la vraie vie : un père meurt écrasé sous un camion, une femme est emportée par une rivière en crue. «Ainsi va le monde, lit-on. Peut-être sans raison ». L’esprit humain échafaude des théories, incapable de se résoudre à l’hypothèse d’un non-sens généralisé. Punition divine, sorcellerie, malédiction ancestrale... », interroge Libération.
Voilà, c'est sans doute la même question pour tout le monde, juifs, chrétiens ou musulmans, qu'est ce qu'on fait là ?