A la Une: l’onde de choc des départementales

Quarante huit heures après le second tour des départementales, la nette victoire de la droite et le cinglant échec de la gauche, les journaux s’interrogent sur la suite des événements.

« Encore deux ans ? », s’interroge Le Figaro. « La France va-t-elle devoir vivre encore longtemps au rythme anesthésiant des vaines querelles entre le PS et la gauche du PS ? Verra-t-on encore pendant deux ans Manuel Valls entretenir l’illusion de réformer le pays et les frondeurs s’offusquer de ses réformes illusoires ? Depuis 2012, avec cette pièce médiocre au scénario répétitif, François Hollande a vidé la salle. Il n’est pas obligé d’assurer la représentation jusqu’en 2017… »

« Et après ça, quelle gauche ? », s’interroge pour sa part L’Humanité. « Manuel Valls ne fera pas aujourd’hui le voyage d’Allemagne. Il a dû admettre que la situation était suffisamment grave pour qu’il tente de serrer les boulons lors de la réunion des députés socialistes. Le déni, c’est fini, mais le Premier ministre et le président s’obstinent à imposer une politique libérale, estime le quotidien communiste, qui blesse le pays et révolte ceux qui ont le cœur à gauche […]. Le rideau de fumée qu’ils déversent autour des élections, en attribuant la déroute à la division et non à une sanction de leur action, vise à détourner l’attention. Comme si les électeurs de gauche pouvaient faire bloc derrière des choix qu’ils réprouvent, qui leur paraissent aux antipodes de leurs espérances ! […] Un chantier de plusieurs mois s’ouvre pour nouer des dialogues, veut croire L’Humanité, se comprendre, se trouver, s’émanciper d’habitudes pour inventer un nouvel élan. »

Mais le Premier ministre ne devrait pas changer de ligne… « Aucun remaniement ne semblant être à l’ordre du jour, note La Croix, Manuel Valls devrait confirmer ses choix de politique économique en annonçant de nouvelles mesures en faveur de l’emploi et de l’investissement. Obstination coupable, diront certains. Courage politique, diront d’autres, en observant la constance d’un Premier ministre, que ses déboires électoraux n’ébranlent pas. Mais, relève encore La Croix, en attendant le retour de la croissance, le gouvernement ne pourra éviter de faire savoir, par des décisions concrètes, qu’il a entendu le mécontentement des Français. »

Qui plus est, insiste L’Alsace, « Manuel Valls aura bien du mal à persuader les sceptiques du bien-fondé de ses réformes […]. Ceux-ci affûtent déjà leurs couteaux en perspective du congrès du PS, début juin. D’ici-là, ils feront tout pour infléchir la politique du gouvernement, en dépit de la détermination du Premier ministre à poursuivre sa route. Le chef du gouvernement apparaît bien isolé. Désavoué à gauche, étrillé à droite, boudé par un Français sur deux, sa faiblesse en fait un interlocuteur de plus en plus affaibli. Dans pareilles conditions, il lui sera extrêmement difficile d’imposer une politique qui réussit à faire l’unanimité sur un seul point : son rejet par les Français, tous camps confondus. »

Doutes…

L’Union exprime également ses doutes : « peut-on ne pas changer une politique qui perd les élections les unes après les autres et se satisfaire d’une annonce martiale de l’accélération des réformes au terme d’un scrutin sanction ? Cette option retenue par Manuel Vall n’a aucune chance de réussir, estime le quotidien rémois, sans la reconstruction d’une gauche brisée par ses différends idéologiques et ses archaïsmes. Comment définir un nouveau contrat social sincère qui ne soit pas un simple piège “made in PS”, pour faire taire et rentrer dans le rang les frondeurs et autres écologistes afin d’être plus fort en 2017 ?, s’interroge encore L’Union. Avec une personnalité clivante comme celle du Premier ministre, l’exercice est un chemin de croix. Même si le chef du gouvernement est optimiste à la lecture des indicateurs économiques, il sait pertinemment que sans réformes de fond l’éclaircie annoncée sera forcément éphémère. »

Et finalement, conclut Ouest France, « notre démocratie a la gueule de bois. Non parce qu’un camp bat l’autre – c’est le jeu électoral – mais parce que ces départementales laissent un goût amer. En France, tout le monde est contre. Des socialistes sont contre d’autres socialistes. La moitié de la gauche contre l’autre moitié. L’UMP et le PS contre le FN, et inversement. Les 20 millions d’abstentionnistes et les votes blancs et nuls contre le système… […] Pour sortir de l’impasse, il faut sans doute agir à 3 niveaux, estime Ouest France : moi citoyen, nous collectivement, eux les politiques. Moi citoyen : il faudra comprendre qu’on ne fait pas une société avec, d’un côté, des consommateurs passifs de prestations et de services publics, et de l’autre, les acteurs de la mondialisation heureuse. […] Nous collectivement : apprendre, entretenir, le sens du collectif. […] Eux, les politiques : il faudra bien convenir d’un mode d’élection qui les fasse ressembler à la société et dégage des majorités. »

Sarkozy conforté

A droite à présent, ces départementales consacrent la prééminence de Nicolas Sarkozy… « La droite victorieuse, Sarkozy conforté », titre Le Monde en première page. Le Monde pour qui l’ancien président « s’impose, désormais, comme le chef de l’opposition. Mais quand bien même les victoires locales constituent souvent le socle des conquêtes présidentielles ultérieures, la route sera encore longue d’ici à 2017. Pour espérer aller au bout de l’alternance qu’il espère, le président de l’UMP va devoir franchir plusieurs étapes importantes », affirme le quotidien du soir. Notamment, « le congrès refondateur du grand parti de droite, à la fin du mois de mai. Pour Nicolas Sarkozy, c’est une échéance déterminante, puisqu’il entend rebâtir un mouvement moderne et conquérant, doté d’un nouveau nom, de nouveaux statuts et de nouveaux cadres locaux. »

Autre étape, poursuit Le Monde, « celle des élections régionales de décembre. Il lui faudra, autant que possible, y confirmer la vague bleue des municipales et des départementales. »

Enfin, note encore le quotidien du soir, « viendra, à l’automne 2016, la primaire chargée de désigner le champion de la droite pour 2017. Rien ne garantit, pour l’heure, que l’UMP saura surmonter les rivalités qui l’ont minée ces dernières années et qui continuent de la traverser. L’alternance est en marche, veut croire Nicolas Sarkozy. Ce sera une longue marche. »

Pas que le tiers-payant !

A la Une, également, le projet de loi santé, qui cristallise la colère des médecins, est débattu à partir de ce mardi à l’Assemblée nationale… Libération y consacre son dossier du jour. Cette loi Touraine, du nom de la ministre, comprend de nombreuses avancées, estime le journal, comme le paquet de tabac neutre ; la possibilité d’actions de groupe face à des litiges médicaux ; l’expérimentation des salles de shoot ; ou encore le droit à l’oubli pour les patients guéris d’un cancer, c’est-à-dire permettre à des personnes pleinement guéries de pouvoir signer des contrats d’assurance pour des prêts, sans être obligées de payer de fortes surprimes, comme c’est le cas actuellement. Autant de « mesures de bon sens », estime Libération. « Le gouvernement a sans doute trop traîné dans l’élaboration de ces réformes – débattues en plein milieu d’élections professionnelles, ce qui pervertit les échanges. La ministre de la Santé a peut-être manqué de doigté. D’où un sentiment diffus de gâchis. Mais l’ensemble du projet, qui a toujours eu le soutien des associations de malades, a le mérite, affirme Libération, d’apporter de réelles améliorations au système de santé public. » Y compris d’ailleurs, pointe le journal, « la généralisation du tiers payant qui, affirme-t-il, simplifie la vie des assurés sociaux, notamment celle des plus pauvres. »

Toujours est-il que les médecins ne désarment pas… Ce « mardi, note Le Figaro, les syndicats de médecins appellent en effet à une nouvelle journée “santé morte”, avec fermeture des cabinets et grève des gardes. Le texte provoque en effet, depuis plus de six mois, la colère unanime des praticiens, rappelle le journal. Plusieurs dispositions sont contestées par ces professionnels, à commencer par la généralisation progressive du tiers payant d’ici à 2017. Les médecins y voient déjà une surcharge de travail administratif, notamment en devant vérifier si leur patient est bien affilié à la Sécu et si leur complémentaire santé est à jour. »

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