Bien que le jazz soit aujourd'hui unanimement reconnu comme une forme d'expression universelle, son développement international fut souvent semé d'embûches. Il y a un siècle, aux Etats-Unis, le contexte politique et social bâillonnait les manifestations d'une culture «nègre» jugée primitive et sans valeur. Au même moment, la France coloniale portait un regard paternaliste et condescendant sur les populations noires d'Afrique. Ainsi, lorsque les premiers échos d'un jazz américain balbutiant parvinrent aux oreilles de musiciens européens aguerris, les réactions furent dubitatives, amusées, parfois dédaigneuses et toujours dictées par une compréhension primaire d'un art dit «exotique».
Il est donc difficile de dater précisément la naissance du jazz en France. D'autant plus difficile d'en dessiner les contours... Le pianiste, chef d'orchestre et pédagogue français, Laurent Cugny, s'est lancé dans une étude approfondie du paysage musical européen en éditant le 1er Tome d'une série de 4 ouvrages, intitulée «Une histoire du Jazz en France» (Outre Mesure Editions), qui narre dans le détail l'évolution progressive des mentalités face à l'émergence d'une culture métisse, imprévisible et libre.
Bien que l'auteur s'interroge plus qu'il n'affirme, certaines vérités absolues rythment le propos de ce premier volet encyclopédique de 600 pages. La condition des Noirs aux Etats-Unis et en Europe, l'attitude ambiguë des Français à l'égard des artistes «nègres», l'intérêt quasi ethnologique des musiciens et critiques européens pour la culture noire, nous rappellent tristement, qu'il y a 100 ans, la couleur de peau était un critère de sélection sociale ou de valeur morale.
Cependant, en défendant leur identité, fusse-t-elle malmenée, critiquée, bafouée ou ridiculisée, les musiciens afro-américains ont nourri l'esprit créatif d'artistes européens progressistes, attentifs aux évolutions du monde, partisans historiques d'un brassage culturel involontaire mais inévitable !
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