« Les affameurs, les vrais terroristes, ceux qui touchent des centaines de millions de personnes, c’est le monde de la finance ». Non, ce n’est pas le François Hollande candidat à l’élection de 2012, qui parlait ainsi dans Le Parisien le 9 février mais Hervé Falciani, l’ancien informaticien de la banque HSBC qui a dérobé en Suisse, en 2007, les fichiers de 130 000 noms d’évadés fiscaux. Un voleur pour les autorités suisses mais un lanceur d’alerte en France puisque ce sont ces listings qui ont permis, au procureur Eric de Montgolfier d’ouvrir une information judiciaire puis au journal Le Monde de sortir le scandale Swissleaks.
Réalisé avec l’appui d’une cinquantaine de médias du consortium international des journalistes d’investigation, ce scandale a eu un écho mondial. Il a même touché de nombreuses personnalités en Afrique, du roi du Maroc à des proches des présidents du Congo et de la RDC, tous ceux que Le Monde Afrique appelle « les milliardaires africains de HSBC ».
Pierre Bergé actionnaire du journal, a aussitôt accusé Le Monde de pratiquer une forme de « délation ». Ce qui lui a valu une vive protestation de la part de la rédaction qui vit d'autant plus mal ces accusations qu'elle vient de lancer cette plateforme « Source sûre » qui propose à des lanceurs d'alerte de divulguer des informations aux journalistes sur un réseau sécurisé et en protégeant leur anonymat.
Les risques ne sont pas minces. Hervé Falciani est au chômage, on l'accuse d'avoir tenté de monnayer ses listings. Mais c’est quand même bien grâce à lui que le secret bancaire a pu être levé en Suisse, et que l’on a ensuite progressé avec l’échange automatique d’informations bancaires qui doit entrer en vigueur en 2017 dans une cinquantaine de pays. C'est aussi grâce à l'ex-soldat Manning, condamné à 35 ans de prison aux États-Unis, et à Julian Assange, le fondateur de Wikileaks réfugié à l’ambassade d’Equateur à Londres, que des révélations ont été faites sur la guerre en Irak et en Afghanistan. Quant à Edward Snowden, qui a divulgué les écoutes de la NSA, il a dû trouver refuge à Moscou.
D'où l'importance de protéger ces lanceurs d'alerte comme des sources de presse. Une vigilance de tous les instants s'impose alors qu'un amendement au projet de loi Macron proposait d'instaurer un secret des affaires. Pour l'heure, la France ne dispose pas d'une loi-cadre avec une autorité indépendante pour protéger ses lanceurs d'alerte. Elle n'a pas non plus comme aux États-unis, une organisation caritative, le GAP (government accountability project) qui a pu venir en aide financièrement à 20000 d'entre eux depuis 1977.