Le CSA, guide suprême des médias

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a décidé de prononcer 36 manquements pour la couverture par les chaînes et les radios des attentats terroristes de janvier, ce qui soulève un tollé de la part des rédactions concernées.

On s’attendait à un rappel à l’ordre des principes, voire à quelques mises en garde. En réalité, c’est un flot d’avertissements, avec 21 mises en demeure de respecter ses demandes sous peine d’amende ou de sanctions, qui est arrivé jeudi dans les rédactions. Personne n’a été épargné. Il est reproché à France 24, par exemple, d’avoir non pas montré le moment où le policier est abattu par un frère Kouachi, ce que n’a pas fait la chaîne contrairement à d’autres chaînes internationales ou au site du Point, mais d’avoir fait entendre les tirs et la voix de la victime. Résultat : France 24 est sommée de respecter la dignité de la personne humaine.

Alors, certes, il y a des griefs du CSA qui sont compréhensibles, et même justifiés. BFM TV, France 2, iTélé, LCI et TF1 ont par exemple révélé à tort l’identité d’une personne comme étant celle d’un des suspects. De même iTélé et LCI ont donné des informations qui, c’est vrai, ont permis l’identification des frères Kouachi pendant leur traque et pu perturber le travail de la police. Enfin, on peut déplorer que France 2, TF1 et RMC, BFM TV et LCI aient fait peser des risques à des personnes cachées en divulguant leur présence pendant la prise d’otages.

Mais il est un point qui coince et qui, pour le coup, fait peser un risque sur la liberté d’informer, c’est que de nombreux médias - BFM TV, Euronews, France 2, France 24, iTélé, LCI, TF1, Europe 1, France info, France inter, RMC, RTL et RFI, donc tous ceux qui suivaient en direct les événements, se voient reprochés d’avoir annoncé que des affrontements avaient éclaté à Dammartin-en-Goële alors même, estime le CSA, que « cela aurait pu avoir des conséquences dramatiques pour les otages de l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes ». Du coup, l’instance met en demeure de respecter la « sauvegarde de l’ordre public. »

Et là ça ne passe pas. D’abord parce comme dit Jean-Marc Four, de France Inter, les médias n’avaient pas reçu de consignes sur des informations sensibles qu’il conviendrait de ne pas livrer. Ce n’est tout de même pas à eux de déterminer ce qui est bon pour l’ordre public. Ensuite, et surtout, le CSA s’arroge un rôle de « guide tutélaire » comme dit le Syndicat national des journalistes, qui ne peut que pousser à l’autocensure. Mais qu’adviendra-t-il si ses préceptes sont suivis à la lettre ? C’est tout simple : on va dissimuler encore plus la vérité d’instants ou d’images qu’en un clic, n’importe qui pourra retrouver sur Internet, les réseaux sociaux ou les chaînes internationales. Et on nourrira les théories du complot qui reposent sur le vieil adage : « On nous cache tout, on nous dit rien. »
 

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