On se souvient de cette longue colonne de 3000 camions blancs, cet été, bloquée à la frontière ukrainienne, et destinée à apporter de l’aide humanitaire aux populations pro-russes. C’était la version spectaculaire, médiatique, immaculée de la propagande russe. Elle tranche avec la discrétion qui caractérise l’envoi de troupes et de matériels militaires roulant sans plaque d’immatriculation en direction de Donetsk. Mais le régime de Vladimir Poutine ne se contente pas de produire des sujets d’images, il entend aussi les contrôler à l’intérieur de ses frontières.
C’est tout le sens d’une législation sur les médias qui vient d’être votée par le Parlement russe et qui vise à limiter à 20% la part des étrangers dans capital d’une entreprise de médias.
Une disposition en apparence anodine – elle existe d’ailleurs aussi en France pour les chaînes hertziennes dont 80% du capital doit être entre les mains d’actionnaires de l’Union européenne. Sauf qu’en Russie, cela concerne tous les médias, y compris en ligne, et que cela aura forcément des conséquences sur les médias indépendants qui pouvaient jusqu’à présent être la copropriété, à 50%, d’un actionnaire étranger.
C’était le cas de Vedomosti, le quotidien des affaires, ou du Moscow Times mais aussi des magazines sous licence Esquire ou GQ, ou des chaînes Disney, Eurosport ou CNN. Du coup, CNN a annoncé qu’elle suspendait sa diffusion, qu’elle ne serait plus distribuée en Russie même si elle garde un bureau à Moscou. Un tour de vis supplémentaire, donc, de la part du Kremlin et qui intervient après le vote d’une loi, en février, qui autorise un procureur à bloquer sans avis d’un tribunal l’accès à des sites internet. C’est ainsi que les blogs de l’opposant Alexeï Navalny ou de Garry Kasparov ont été bloqués. En cas de guerre, la Russie envisage même de couper le pays de l’Internet mondial.
Et de l’autre côté, qu’en est-il ? Et bien, il ne faut pas croire qu’il y a moins de propagande
Le Parlement ukrainien prévoit depuis cet été d’interdire des médias locaux ou internationaux en cas de menace à la « sécurité nationale » et sans décision de justice. « Il confère le pouvoir exorbitant d'ordonner la censure la plus large, sur des critères extrêmement flous, et sans aucun garde-fou. », estime Reporters Sans frontières, qui déplore la mort de plusieurs journalistes russes en Ukraine. Un signe : Radio Free Europe, qui avait contribué à la chute du communisme il y a vingt-cinq ans, est de nouveau sur le terrain sous le nom de Radio Svoboda avec un studio de télévision installé à Kiev. Vous avez dit guerre froide ?
→ à (re)lire : BBC: tension entre Moscou et Londres