A la Une : Ebola, de la réalité aux fantasmes

 

Dans Le Journal du Dimanche cet entretient avec Patrick Zylberman : « Ebola est une leçon tragique », tonne cet historien de la Santé, de l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP). « Depuis 2 ou 3 mois on clame qu’on est prêts, qu’on organise des exercices et des protocoles pour habituer les médecins, les administrations en cas de crise. […] Nous en sommes si satisfait que lorsque la crise est là, et bien, “on ne la voit pas !” »

Et l’historien de nous rappeler qu’« Ebola a été au cœur de nombreuses fictions au cinéma depuis la fin des années 80 : “Alerte, X-Files, Contagion, Millenium, l’armée des 12 singes”. Le problème c’est la contagion de l’imaginaire et de la fiction. Les gens croient alors à ces histoires abracadabrantesques... »

Et Courrier International, en retraçant l’origine des pandémies, continue sur ce domaine de la fiction « Ebola a ravivé le fantasme d’un virus qui ravagerait la surface du globe, surgi de la jungle comme une vengeance de la nature contre l’homme. Un fantasme car les épidémies les plus redoutables naissent au cœur des cités surpeuplées ».

D’autres fantasmes encore

C’est l’hebdomadaire Les Inrocks qui, sur son site internet, fait le décompte des dérives, sous le titre : « Quand Ebola sert de prétexte au racisme ordinaire ». Et on part aux Etats-Unis, dans le canton de Maple Shade dans le New Jersey, une communauté de moins de 20 000 habitants, et cette lettre envoyée par l’infirmière de l’école où sont scolarisés 2 élèves rwandais : « Il n’y a pas de cas répertoriés d’Ebola au Rwanda, écrit-elle a tous les parents, mais, malgré cela je compte prendre des précautions pour m’assurer de la santé de tous, je vérifierais donc la température des deux élèves trois fois par jour pendant trois semaines ». Et la psychose est à l’œuvre : « Beaucoup de gens allaient enlever leurs enfants de l’école, et certains professeurs refusaient de venir enseigner », tente de justifier le gardien de l’école.

Autre histoire, au Texas, Alors qu’elle devait accueillir deux étudiants nigérians à la rentrée, l’université Navarro leur a envoyé ce courrier début octobre : « Avec regret, nous ne pouvons accepter votre candidature. […] Malheureusement, le Navarro College n’accepte pas d’étudiants étrangers venant de pays où des cas d’Ebola sont confirmés ». Indignation sur les réseaux sociaux, alors que comme le rappelle Les Inrocks : « Le Nigeria était alors déjà considéré comme l’exemple à suivre pour se débarrasser du virus, tant les précautions prises avaient permis d’endiguer l’épidémie. »

Mais en Europe aussi, on a constaté des actes discriminatoires à cause d’Ebola rappellent Les Inrocks. « En Italie, plusieurs écoles ont ainsi envoyé des courriers d’avertissements précisant que tous les élèves d’origine africaine devraient se munir d’un certificat médical spécial pour la rentrée. Aucune demande similaire n’a par contre été formulée aux enfants blancs qui avaient passé leurs vacances en Afrique. »

Mais tous ces phénomènes ne sont pas nouveaux...

Le Journal du Dimanche le rappelle : « Tout ce que l’on observe en Afrique de l’Ouest, on l’a vu par le passé en Europe ou au Etats-Unis ». Un exemple ? L’écrivain Jean Giono raconte dans Le Hussard sur le toit, comment en 1884, il y a 130 ans, 50 000 des 70 000 habitants de la ville de Toulon, dans le sud de la France, ont fuis la ville à cause d’une épidémie de choléra, ou attaqué les médecins accusé d’avoir apporté le fléau.

Retour au présent. Sous le titre « La course contre la mort », l’hebdomadaire économique La Tribune insiste : « Le défis Ebola ne pourra être relevé qu’avec la prise de conscience de l’absolue nécessité d’une solidarité planétaire ».

« Ce qui est, bien sûr, loin d’être le cas... Pour mémoire, insiste le chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital Purpan de Toulouse, le seul paludisme tue 1 500 enfants, chaque jour, sans que cela ne suscite une grande émotion dans nos pays. »

La Tribune de poursuivre plus cynique, « cette épidémie devrait être une opportunité de marché comme les autres »... mais 40 ans après son apparition, l’industrie pharmaceutique s’est peu investie dans la recherche sur Ebola car elle ne concernait que quelques villages de brousse.

« Alors aujourd’hui si les anticorps ZMapp ou TKM-Ebola sont presque au point, il s’agit en réalité d’un coup de chance ou d’une aubaine, plus que d’une stratégie de santé. Cela vient du programme de défense contre le terrorisme lancé par Georges W. Bush après le 11 septembre, un budget de recherche de traitement et de vaccins contre le bioterrorisme estimé à 15 milliards de dollars. »

Dernière chance avant le grand choc...
 
On quitte Ebola pour l’actualité économique et politique en France. Et c’est le titre du Point qui fait également, de la fiction, de la politique-fiction. En Une, une nouvelle crise économique menace. « Des scénarios catastrophes à classer aux cotés des attaques de zombies ou d’Armageddon », prévient l’hebdomadaire, qui cite : « Quand les marchés financiers nous lâcheront, quand la croissance se sera définitivement envolée, quand la déflation se sera installée, quand un cygne noir surviendra ». Qui sait…

En attendant un autre choc fait la Une, notamment de L’Express. « Sarkozy-Juppé, qui va flinguer l’autre ? », ou du Figaro Magazine « La guerre est déclarée », « le match entre l’ancien président de la République et l’ancien Premier ministre pour la primaire à droite en 2016 a déjà commencé. Un duel qui risque de ne pas se tenir longtemps a fleurets mouchetés ». Et l’hebdomadaire annonce décrypter les dessous de la bataille Sarkozy-Juppé, et relate ce qui aurait été les derniers mots de leur tête-à-tête : « Je vais te tuer… lance le premier... tu sais ou me trouver », réponds le second.

Ce dialogue aurait pu se tenir il y a 40 ans à Kinshasa, dans le stade du 20 Mai, aujourd’hui renommé Stade Tata Raphaël.

Dans L’Equipe magazine, « Sur la piste d’Ali », 40 ans après le mythique combat entre George Foreman et Mohammed Ali, le 30 octobre 1974, l’hebdo sportif s’est rendu à Kinshasa pour chercher ce qu’il reste de ce que l’on avait alors appelé le « Rumble in the jungle »

Plusieurs photos, des jeunes qui boxent dans la rue, d’autres qui s’entraînent sur un terrain vague, alors « si à l’époque l’enthousiasme était un peu forcé par le régime Mobutu », explique Isidore Kabongo, il était caméraman lors du combat, aujourd’hui l’organisation de ce combat reste une fierté nationale, et « si les témoins disparaissent peu à peu avec le temps, et bien il reste les artistes pour entretenir ce souvenir ». Et c’est vrai qu’il est encore fréquent d’entendre les chanteurs et rappeurs kinois reprendre le slogan « Ali, Boma Ye ! », rappelle L’Equipe magazine. Une phrase en Lingala scandée par Mohammed Ali et reprise par ses partisans. « Ali, tue-le ! Ali, Boma Yé ».

Une phrase que les partisans de Nicolas Sarkozy ou Alain Juppé, pourraient, qui sait, remettre au goût du jour.

La Revue de presse de Thomas Harms

 

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