Il y a quatre ans, le chômage des jeunes a en partie alimenté la révolution tunisienne. Ce chômage, il est aujourd'hui encore plus fort. Il concerne 15% des actifs, 30% des jeunes. La production industrielle est, au mieux, égale mais souvent inférieure au niveau de 2010. Le « système D » - comme débrouille - s'est généralisé. L'informel représente maintenant 54% de l'activité, c'était 30% sous le régime Ben Ali. Tous les autres indicateurs sont au rouge : l'inflation supérieure à 6%, la balance commerciale plombée par le pétrole qu'il faut importer, l'Etat de plus en plus endetté, et la croissance bien insuffisante pour remédier à tous ces maux.
Il faudrait à la Tunisie non pas deux points et demi de croissance, comme c'est le cas cette année, mais cinq pour fournir du travail à tout le monde. La Tunisie a recours au FMI maintenant pour boucler les fins de mois. La banque centrale va par ailleurs émettre des obligations islamiques dans les prochaines semaines pour diversifier ses créanciers.
C'est l'insécurité qui a paralysé l'économie ?
L'insécurité, l'instabilité politique certainement. Plusieurs économistes estiment que le rebond est impossible tant qu'il n'y aura pas de retour au calme. Un climat apaisé est un préalable mais pas suffisant. Il serait bon aussi d'en finir une bonne fois pour toutes avec les pratiques de l'ère Ben Ali, a pointé la Banque mondiale dans un rapport publié en septembre.
Un exemple avec les règles de la concurrence. Les 21 décrets promulgués par l'ancien dictateur pour protéger les activités de ses proches sont toujours en place. Ils devraient être abrogés dans le mois qui vient par la chambre sortante précise un élu. En revanche, les bonnes habitudes ont la vie dure, ajoute-t-il, en pointant le lobby des hôtels, c'est-à-dire les hommes d'affaires qui ont détourné à des fins privées l'argent emprunté auprès des banques tunisiennes pour officiellement développer leur activité. Ce lobby, déplore le rapport, a réussi à bloquer la saisine des biens des mauvais payeurs qui n'ont toujours pas remboursé, saisine que le Parlement s'apprêtait à voter. D'où la crise actuelle du système bancaire.
Les sociétés étrangères qui délocalisent en Tunisie jouent un rôle d'amortisseur ?
C'est vrai que ces sociétés attirées par des bas salaires et un régime fiscal avantageux fournissent l'essentiel de l'emploi privé. Mais attention aux dérives. Elles se sont installées sur la côte près des ports. Mais très peu à l'intérieur des terres. Certaines n'apportent rien à la Tunisie, où elles installent des dépôts ou des boites aux lettres pour blanchir leur activité.
Le prochain gouvernement devra donc s'atteler de toute urgence à la révolution de son économie pour renouer avec la croissance, et pourquoi pas faire de la Tunisie un tigre de la Méditerranée ? Elle en a le potentiel, affirme la Banque mondiale !
EN BREF DANS L'ECONOMIE
Une PME japonaise offre 10 000 masques de haute protection à la Guinée
Etant donné la lourdeur des procédures pour exporter ces biens que Conakry voulait acquérir pour protéger les soignants du virus Ebola, la société Clever a choisi de les offrir. Le Liberia, et la RDC bénéficieront aussi de ce cadeau. Un geste généreux, mais aussi une bonne opération publicitaire pour une PME qui fait ainsi connaître son produit, ce masque inactive 99% des virus grâce à une imprégnation chimique.