« Uhuru Kenyatta à La Haye face à Fatou Bensouda : l’affaire menée par la CPI contre le président franchit une étape cruciale », s’exclame en Une Le Daily Nation à Nairobi.
Alors que va-t-il se passer à partir de ce mercredi 8 octobre 11 heures, à la Cour pénale internationale ? « L’audience comporte deux points importants, précise le Daily Nation. L’un est la demande du président Kenyatta que la CPI rejette les charges contre lui pour manques de preuves. L’autre est la demande de la présidente du CPI Fatou Bensouda de poursuivre l’affaire jusqu’à ce que les autorités kenyanes fournissent de plus amples informations concernant le président. »
En clair, poursuit Le Daily Nation, « soit l’affaire sera renvoyée à une date ultérieure, soit les poursuites seront abandonnées. »
Ce qui fait dire au site d’information Guinée Conakry Infos, qu’en fait, on assiste à « une comparution de façade, une certaine “parodie” dont l’objectif est de permettre à Uhuru Kenyatta de se soustraire des griffes de la CPI, tout en ne perdant pas la face. » En effet, explique Guinée Conakry Infos, « s’il se rend en personne à La Haye, c’est parce qu’il a conscience qu’il ne risque rien. Et s’il ne risque rien, c’est parce qu’il a tout fait pour qu’il en soit ainsi. Cela s’appelle préparer le terrain ! […] Avec notamment la rétractation de nombreux témoins sur lesquels l’accusation aurait pu compter. Par ailleurs, le fait que le bureau du procureur de la CPI n’ait jusqu’ici pas réussi à mettre la main sur des relevés bancaires et téléphoniques du président kenyan, ne doit pas être un fait du hasard. La lourdeur bureaucratique est un prétexte, sans doute, trop facile. La situation est telle que même la CPI a conscience de la fragilité de sa position. Fatou Bensouda elle-même ne serait pas surprise que tout ce “cirque judiciaire” débouche sur un abandon des poursuites pour insuffisance de preuves. »
Elégance calculée ?
Analyse similaire pour L’Observateur Paalga au Burkina qui parle d’« élégance bien calculée : le “va-t-en-Haye” ne risque pas grand-chose, souligne le journal, surtout que beaucoup de témoins se sont rétractés. Il peut être assuré de revenir manger tranquille le porridge de sa femme. Ce n’est pas en tout cas Omar el Béchir, le président soudanais, dans le collimateur de la CPI, qui prendrait ce risque. Et ce n’est pas pour rien, relève L’Observateur, que lors des sommets de l’Union africaine d’Addis-Abeba en 2013 et de cette année à Malabo, les chefs d’Etat et de gouvernement ont expressément demandé à l’ONU, mandante de la CPI, d’épargner les présidents en fonction de ce rouleau compresseur judiciaire dont on ressort laminé, forcément laminé. Les dirigeants africains se plaignent de cette juridiction internationale qui ne traque que sous nos tropiques, conclut le quotidien burkinabé, mais il faut avouer que les poursuites ne sont pas engagées à tous les vents : pendant qu’on y est, le Malien Alpha Omar Konaré ou le Sénégalais Abdoulaye Wade n’ont jamais été inquiétés par la CPI parce qu’on ne se souvient pas jusque-là qu’ils aient commis des massacres de populations. »
Leçon de responsabilité ?
Enfin, le site d’information Fasozine applaudit la démarche du président Kenyan : « après moult hésitations dues à la grande suspicion qui assombrit les relations entre la fameuse cour de La Haye et l’Afrique, Uhuru Kenyatta a décidé de prendre ses responsabilités. Et c’est tant mieux pour la CPI, le Kenya et aussi l’honneur de ce chef d’Etat. Mais au-delà de la polémique qui fait rage, c’est le droit international qui est sauf, relève encore Fasozine. Et cela n’est pas rien dans un contexte où plus personne ne respecte rien ni personne et que chacun se croit tout permis, y compris le droit de mettre fin à la vie des autres impunément. Aussi, quoi qu’il puisse risquer – pas grand chose pour l’instant – devant la CPI ce mercredi 8 octobre, Uhuru Kenyatta donne au monde entier une belle leçon d’humilité et de responsabilité, estime le site burkinabé. Et cela vaut bien son pesant d’or pour l’Afrique, mais aussi pour les juges de cette haute juridiction internationale qu’on accuse à tort ou à raison de n’avoir de doigt accusateur qu’en direction du continent africain. »