C’était le 16 septembre dernier dans cette petite sous-préfecture de la Guinée forestière, 8 membres d’une équipe de sensibilisation contre Ebola tombaient sous les coups de hache et de machette de la population en furie…
Trois semaines après le drame, deux avocats et deux journalistes ont pu se rendre à Womey pour des investigations. C’est du moins ce que rapporte le site d’information Guinée News qui retrace le parcours périlleux des quatre hommes. S’agit-il de la délégation d’Avocats sans frontières, dont nous parlons depuis ce matin sur l’antenne de RFI ? Apparemment, non, car cette délégation a été empêchée de se rendre sur place par l’armée.
En tout cas, Guinée News nous raconte donc le périple de ces deux avocats et deux journalistes, dont l’envoyé spécial du site d’information. Après bien des détours et des barrages, ils arrivent sur place : « La ville, peuplée de 5 000 âmes selon les chiffres, est transformée en un camp militaire, une ville presque fantôme, raconte le journaliste de Guinée News. […] Toutes les habitations sont en tôle. La sous-préfecture perchée sur une colline à l’entrée, puis le commissariat, ensuite l’école primaire. Il y a des palmiers, des bananeraies et des manguiers. Les habitants ont fui, les rues sont désertes, les champs ou les plantations sans propriétaires. Conséquence, poursuit Guinée News, aucune autorité n’y est retournée depuis le drame. Ni le Gouverneur Lancei Condé, ni le préfet Aboubacar M’bop Camara, encore moins la société civile, les juges ou les leaders religieux chrétiens qui avaient servi de médiateurs. »
Menaces et contre-menaces…
Par ailleurs, toujours à propos du drame de Womey, la polémique enfle après les récents propos tenus par deux ministres guinéens… C’est ce que rapporte notamment Guinée Conakry Infos : « Il est reproché au ministre de la Santé, le médecin-colonel Remy Lamah, d’avoir menacé de retirer à la localité de Womey son statut de sous-préfecture, son école primaire et son centre de santé. Au cours d’un discours qu’il tenait à N’Zérékoré [dans la même région], il a préconisé ces mesures comme représailles après à l’exécution des membres de la délégation officielle. Pour sa part, poursuit Guinée Conakry Infos, son homologue de la communication, Alhousseine Makanera Kaké, avait laissé entendre que les populations de Womey, ayant par leurs actes démontré qu’elles ne comprenaient que le langage de la violence, c’est ce dernier qu’il faudrait désormais leur tenir. Il avait ajouté que l’armée irait faire de Womey, sa capitale. »
Alors, polémique, donc et recadrage vendredi dernier, le 3 octobre, du président Alpha Condé qui a affirmé que « quiconque se permettrait de tenir des propos pour mettre le feu en Guinée ou diviser les ethnies, serait arrêté. Que cela soit très clair pour tout le monde ! »
Et dans la foulée, relate encore Guinée Conakry Infos, le porte-parole du gouvernement, Damantang Albert Camara, a tenu ces propos : « Certes, il y a eu une tragédie aussi regrettable qu’inacceptable. Mais pour autant, il convient de laisser le soin à la justice de faire son travail avec lucidité. Pour notamment éviter des généralisations et des raccourcis qui pourraient provoquer plus de problèmes que celui que l’on tente de résoudre. »
Confusions…
Pour rajouter à la polémique et à la confusion, ce témoignage d’un jeune habitant de Womey, présent lors des faits, recueilli par le site Guinée Matin. Témoignage selon lequel les autorités locales auraient détourné de l’argent destiné à une formation de sensibilisation à Ebola, ce qui aurait attisé la colère de la population. Et, qui plus est, un garde du corps d’un des officiels présents à Womey aurait ouvert le feu en premier…
Enfin, dans une interview au site Guinée7, le sociologue guinéen, Bano Barry, professeur à l’université de Sonfonia, estime que le drame de Womey est « l’aboutissement d’erreurs de communication et de stratégie de prise en charge de la maladie commises par les autorités guinéennes et leurs partenaires, dont Médecins sans frontières (MSF). » Exemple, affirme-t-il, « quand vous dites à des populations africaines qu’il n’y a pas de médicaments à l’hôpital pour Ebola, cela veut dire que c’est une maladie dont le traitement se fait chez les tradi-praticiens, chez les marabouts, chez les charlatans. Sans le vouloir, donc, poursuit le professeur Bano Barry, MSF a empêché, par cette communication, les populations d’aller à l’hôpital, et a donc favorisé la propagation de la maladie à l’intérieur des familles et chez les guérisseurs. Et en même temps, cela a poussé une partie de la population guinéenne à considérer qu’Ebola n’existait pas. »