C’était il y a quatre ans quasiment jour pour jour, le 2 juin 2010, Floribert Chebeya, directeur de l’ONG La Voix des sans voix est retrouvé assassiné dans sa voiture dans un faubourg de Kinshasa. Et son chauffeur, Fidèle Bazana est porté disparu. Il ne sera jamais retrouvé. Face à l’émoi provoqué par ce meurtre et cette disparition, les autorités congolaises sont contraintes d’ouvrir une enquête. Enquête qui aboutira à la suspension du chef de la police, John Numbi et à l’inculpation pour assassinats de 8 policiers. Et l’un de ces policiers, réfugié au Sénégal, vient de faire l’objet d’une plainte déposée par les familles des victimes et la FIDH. Il s’agit du major Paul Mwilambwe. Un témoin clé, rapporte La Tempête des Tropiques à Kinshasa : « au cours de sa cavale, il avait témoigné devant les cameras de France 24, rappelle le journal, et dénoncé, outre sa participation, le rôle et l’implication de hauts gradés de la police congolaise, dont le général John Numbi, dans l’assassinat et la disparition forcée des deux défenseurs. »
Commentaire de Marie-José Bazana, l’épouse de Fidèle Bazana, le chauffeur disparu, citée par le journal : « cette plainte constitue, pour nous, un grand espoir de vérité et de justice qui nous sont refusés au Congo où la justice est enlisée. Je veux savoir où se trouve le corps de mon mari et je veux pouvoir l’enterrer dignement. »
Pour le site d’information Afrikarabia , spécialisé sur la RDC, « Paul Mwilambwe constitue sans doute la dernière piste sérieuse pour tenter de lever le voile sur l’assassinat des deux militant des droits de l’homme. Dans un entretien accordé au cinéaste Thierry Michel, Mwilambwe accusait sans détour, rapporte Afrikarabia, le chef de la police John Numbi, un proche du président Joseph Kabila, d’être responsable de l’assassinat de Chebeya et Bazana. Mwilambwe avait également révélé le mobile du meurtre, relève encore Afrikarabia. Selon le policier, Chebeya avait en sa possession des documents accablants pour les autorités congolaises concernant la répression des membres du Bundu Dia Kongo (BDK) en 2007 et 2008. Les policiers du Bataillon Simba (commandés par Numbi) seraient à l’origine des massacres dans la province du Bas-Congo. (…) Quelques jours plus tard, le policier avait été enlevé par la police, de peur qu’il ne parle. Mwilambwe a réussi à s’évader et se cache actuellement dans un pays d’Afrique… on sait maintenant, constate Afrikarabia, qu’il s’agit du Sénégal. »
Un témoin en or…
Tout repose donc maintenant sur la justice sénégalaise…« Le Sénégal a donc entre ses mains, peut-on dire, relève le quotidien Le Pays au Burkina, un témoin en or qui pourrait l’aider à démêler l’écheveau de l’affaire Chebeya. Le pays de Senghor, qui a eu l’ingénieuse idée d’incorporer dans sa législation la compétence universelle, pourrait, après Paul Mwilambwe, déposer une autre plainte contre le général John Numbi, dont tout indique qu’il ne répondra jamais de ses actes en RDC tant que Joseph Kabila, à qui profite ce double assassinat, sera au pouvoir. Cela dit, le Sénégal doit veiller scrupuleusement à la sécurité de Paul Mwilambwe, ce témoin en or, pour que rien de fâcheux ne lui arrive sur son territoire. »
Toujours est-il, relève encore Le Pays, que « le traitement qui a été réservé à l’affaire Chebeya en RDC, illustre à suffisance les failles de la justice en Afrique. Le principe de la séparation des pouvoirs qui est fondamental pour la démocratie et l’Etat de droit est un véritable leurre. La réalité est que l’institution judiciaire est aux ordres de l’exécutif. » Et Le Pays de citer la RDC, mais aussi le Rwanda ou encore Le Maroc…
En tout cas, constate L’Observateur Paalga , « les ayants droit de Floribert Chebeya et de Fidèle Bazana auraient voulu se rappeler au bon souvenir de Joseph Kabila et de son régime à la faveur du 4e anniversaire de l’assassinat des deux défenseurs des droits de l’Homme congolais, qu’ils ne s’y seraient pas pris autrement. »
L’Observateur Paalga qui montre du doigt également le président Kabila : « ces meurtres des défenseurs des droits de l’Homme sont venus s’ajouter à de nombreux autres faits portant atteinte aux droits humains dont Mobutu light est coutumier, au point même qu’avant le Sommet de la francophonie d’octobre 2012, cela lui avait valu un sévère rappel à l’ordre de la part de François Hollande, qui n’avait pas manqué de souligner que 'la situation en République démocratique du Congo était tout à fait inacceptable sur le plan des droits, de la démocratie et de la reconnaissance de l’opposition.' Depuis, constate encore le quotidien burkinabé, on ne peut manifestement pas dire que les choses ont changé en RDC, comme quoi aux droits humain, s’oppose une réalité politique implacable, et il faut craindre que Dakar n’en apporte la preuve. »