A la Une : la première semaine de Manuel Valls, Premier ministre

Une semaine en effet que Manuel Valls a enfilé ses habits neufs de chef du gouvernement et déjà des difficultés… à sa gauche. C’est Libération qui accuse ce matin… « Le PS cocu », s’exclame le journal en Une. « Contrairement aux engagements de Hollande et Valls auprès de leurs troupes, s’insurge Libération, le gouvernement n’a même pas osé demander à Bruxelles un assouplissement de la règle européenne (fixant le déficit à moins de 3%). »

Explications : « Mardi (dernier), le Premier ministre, relayant la parole présidentielle, laisse croire à sa majorité qu’il va renégocier l’objectif de diminution des déficits publics en deçà de 3% d’ici 2015. Quelques jours plus tard, Bruxelles fait savoir aux émissaires du gouvernement français que rien n’est négociable. »

Et finalement, le gouvernement n’a rien discuté, comme il l’avait pourtant promis. « Il n’y aura ni inflexion, ni changement de rythme, ni modification de calendrier. Non pas parce que Bruxelles aurait dit niet aux revendications de Paris, mais tout simplement, déplore Libération, parce que l’Elysée a renoncé à ses requêtes, de peur de se voir infliger une fin de non-recevoir. »

Le Monde relate les faits autrement : « Bruxelles et Berlin forcent Hollande à tenir ses engagements budgétaires », titre le quotidien du soir. Mais, le résultat est le même : « le gouvernement et l’Elysée n’ont pas obtenu de nouveau délai pour réduire les déficits publics. » Du coup, pointe Le Monde : « faute de croissance, Paris devra réaliser des économies au-delà des 50 milliards d’euros annoncés. »

De toute façon, relève Le Figaro, François Hollande « est assez averti de la situation économique du pays pour savoir qu’une politique de relance est tout simplement interdite à un pays criblé de dettes. Adieu donc l’électorat de gauche puisque les caisses sont durablement vides et nos créanciers de plus en plus méfiants. Le seul choix qui s’offre à lui, estime le quotidien d’opposition, c’est d’engager - enfin - la grande remise à niveau du pays. Tailler dans les dépenses, s’attaquer à la mauvaise graisse de la fonction publique, réviser le modèle social, bref reconsidérer toutes les situations acquises depuis des lustres. François Hollande finira certes de désespérer son électorat. Mais, perdu pour perdu, s’interroge Le Figaro, quelle image souhaitera laisser le président ? Celle d’un réformateur courageux qui tombe avec les honneurs, ou bien celle d’un homme qui, en louvoyant sans cesse, aura fait perdre cinq années à la France ? »

Réenchanter la politique !

Toujours est-il que ce pataquès du pouvoir sur les 3% de déficit ne va pas arranger la vision que les Français ont de la politique… Justement, La Croix s’interroge ce matin : comment « réenchanter la politique » ? « Abstention record, non-inscription sur les listes électorales, désaveu du gouvernement deux ans à peine après son arrivée aux affaires : les symptômes qui alanguissent la France sont bien visibles, constate La Croix. Les élections municipales ont confirmé le diagnostic de désenchantement démocratique. Et l’on pourrait y joindre des pathologies associées, comme la défiance à l’égard de toutes les institutions, l’école, la justice, la médecine ou les médias… »
Pour le quotidien catholique, « deux causes peuvent expliquer cette neurasthénie politique : un avenir dont on ne discerne pas les contours et qui ne lasse pas d’inquiéter. (…) Deuxième raison : la perception que ceux à qui nous confions le pouvoir ne l’exercent pas vraiment, que les décisions se prennent ailleurs, dans d’autres lieux politiques (l’Europe par exemple) ou, pire encore, dans cette nébuleuse menaçante qu’est le 'marché'. »

Alors, comment réconcilier les Français avec la politique ? La Croix a posé la question à trois personnalités, dont Thierry Pech, directeur général du laboratoire d’idées Terra Nova : il faut, dit-il, d’abord améliorer la représentation des élus. « La comparaison de notre Assemblée nationale avec d’autres 'chambres basses' en Europe révèle en effet une institution âgée, très masculine, peu représentative de la population dans sa diversité sociale et culturelle. Ce paradoxe français pose de manière très aiguë la question du renouvellement de la classe politique. »

Par ailleurs, poursuit Thierry Pech, « notre millefeuille territorial a généré la multiplication des mandats, ce qui nous prive de la possibilité d’avoir de vrais pouvoirs locaux. La décentralisation a déshabillé légitimement un pouvoir central trop envahissant, mais elle n’a pas construit un vrai pouvoir local. (…) Si nous voulons conjurer le sentiment d’impuissance publique, conclut le directeur de Terra Nova, il va falloir donner à des gens compétents des pouvoirs réels d’agir, ce qui passe par une réflexion à nouveaux frais et très rapidement sur notre structure territoriale, notamment. »

Tout les oppose…

A la veille de la présidentielle en Algérie, Le Figaro s’intéresse de près à Saïd Bouteflika, le frère du président sortant… « Soupçonné par ses adversaires de vouloir exercer le pouvoir à la place d’Abdelaziz, Saïd Bouteflika est accusé d’être à la tête d’une mafia politico-financière, relève le journal, qui a mis en coupe réglée un pays où l’argent du pétrole coule à flots. Personnage de l’ombre, il est devenu le défenseur du clan familial. »

Et le système devrait perdurer, estime Le Figaro : « bien qu’amoindri, Abdelaziz Bouteflika a pu compter sur les grands patrons pour financer sa campagne électorale. Ils ont apporté leur appui financier par conviction, par intérêt ou par crainte de représailles. Il peut aussi compter sur Saïd. 'C’est lui qui assure la sauvegarde du clan', assure un proche de la présidence. L’argent devrait continuer à couler à flots mais, conclut Le Figaro, faute de digues, sa couleur s’est salie bien avant le dernier acte du règne du raïs. »

Libération pour sa part s’intéresse à un autre acteur de la vie politique algérienne, ou du moins un spectateur averti… Il s’agit du journaliste Kamel Daoud, chroniqueur au Quotidien d’Oran, qui tient depuis 17 ans la rubrique : Raïna Raïkoum (mon opinion, votre opinion). « Daoud peint le pouvoir : c’est son talent, relate Libération. Il raconte Bouteflika et les prévaricateurs du régime : c’est son obsession. Une chronique de 3.500 signes, aussi bien tournée soit-elle, écrite de surcroît en français dans un pays essentiellement de langue arabe, a l’utilité d’un cintre. Mais c’est sur ce cintre que Daoud suspend chaque jour son modèle : le pouvoir algérien, représenté par l’impotence d’Abdelaziz Bouteflika. »

Le portrait de l’Algérie par Daoud donne ceci : « Un pays coincé entre le ciel et la terre. La terre appartient aux 'libérateurs', cette caste maudite qui ne veut pas mourir, et qui assure avoir fait la guerre pour nous. Et le ciel est colonisé par les religieux, qui se l’approprient au nom d’Allah. Que me reste-t-il ? Les livres, s’exclame le journaliste. C’est cette digression littéraire que je poursuis car l’Algérie m’étouffe et pour desserrer cette étreinte, je lis et j’écris. »

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