A la Une : Manuel Valls sur la corde raide

Le nouveau Premier ministre va prononcer cet après-midi son discours de politique générale devant l’Assemblée, un discours suivi d’un vote de confiance. Un véritable numéro d’équilibriste…

En effet, détaille Libération, « le nouveau chef du gouvernement doit être capable de tenir ce 'discours de vérité' si souvent promis et si rarement prononcé. Manuel Valls doit dire comment il entend faire de la justice sociale une priorité de son gouvernement, comment il va diminuer la pression fiscale sur les classes moyennes, redonner enfin du pouvoir d’achat aux Français. Valls doit parler, poursuit Libération, aux députés de son camp qui doutent de ses engagements, mais surtout à ce peuple de gauche qui s’est détourné des urnes lors des municipales et a parfois flirté avec le Front national. Mais Manuel Valls, rajoute encore Libération, a aussi la responsabilité d’expliquer avec franchise et clarté comment il entend faire les 50 milliards d’euros d’économies promis par François Hollande. Préciser ce qu’il va tailler, en faisant la pédagogie de cette réduction des déficits publics qui est aujourd’hui le cœur de la politique française. »

« Rude mardi pour Manuel Valls !, insistent Les Dernières Nouvelles d’Alsace. Il va parler aux députés, mais c’est à la Nation dans son ensemble qu’il doit penser. Comme il est impensable qu’ils optent d’emblée pour l’hostilité, les socialistes vont, à quelques exceptions près, consentir la confiance. Mais cela ne va pas miraculeusement susciter l’adhésion du peuple déçu. Avant de récupérer un à un les dissidents du Parlement, c’est le moral des Français qu’il faut globalement soigner. »

« Un bon soliste fait-il un bon chef d’orchestre ?, s’interroge pour sa part Le Parisien. C’est le premier défi auquel va devoir répondre Manuel Valls aujourd’hui. Au cours de son ascension politique, l’ancien agitateur du PS a plus souvent joué perso que collectif, privilégiant son rapport direct avec l’opinion plutôt que la gestion d’un courant ou d’une équipe. L’éternel minoritaire est aujourd’hui le chef de la majorité. Tout cela est très nouveau pour lui. Le second défi qui attend le Premier ministre est de parvenir à faire entendre sa petite musique au gouvernement sur une partition qui n’est pas la sienne et avec des musiciens qu’il n’a, pour la plupart, pas choisis. »

Trois conseils à Manuel Valls…

Le Figaro, lui, donne plusieurs conseils à Manuel Valls… D’abord, estime le quotidien d’opposition, « la priorité va à la réduction de la dépense publique, cette émolliente déesse pour laquelle le PS a toujours eu une dévotion immense. Manuel Valls doit convaincre ses amis qu’ils n’ont plus d’autre choix que de brûler ce qu’ils ont adoré. De leur passé, qu’ils fassent table rase. On conseillera aussi au premier ministre de se garder d’une 'politique de l’échange' qui consisterait à amadouer son camp en lui offrant, contre une politique libérale, des réformes 'sociétales'. Il était l’adversaire de la réforme pénale de Christiane Taubira lorsqu’il était Place Beauvau, il doit le rester à Matignon. Qu’il ne s’avise pas ¬non plus de relancer le débat sur la PMA, puisque c’est lui qui l’avait définitivement enterré en février dernier. Enfin, relève Le Figaro, l’impétueux Premier ministre doit se départir d’une certaine forme de sectarisme. On lui suggère donc de ne pas traiter tous les quatre matins de factieux, de mutins ou de réactionnaires les Français qui ne votent pas socialiste. D’autant plus que si on en juge par le résultat des dernières élections, la France en compte beaucoup… »
Voilà donc pour les conseils du Figaro à Manuel Valls…

Ce qui est sûr, d’après Sud-Ouest, c’est que « Manuel Valls marchera sur une corde raide, non seulement cet après-midi, mais tout au long des mois qui viennent. Bon orateur et fin politique, il est homme à réussir le discours et à trouver le ton juste. Mais son équation politique relève de la quadrature du cercle. »

En effet, constate L’Alsace, « le plan du gouvernement sera douloureux pour les finances locales comme pour la fonction publique et les ménages. Pourtant, François Hollande et Manuel Valls n’ont pas d’autre choix. La France doit suivre un régime amer. La grande erreur aura été de faire croire que, par on ne sait trop quel miracle, les Français échapperaient à ce mauvais sort. »

Et Le Journal de la Haute-Marne de conclure par cette phrase : « la confiance risque d’être prudente, la méfiance permanente. »

Ouvrir les archives sur le Rwanda !

Dans les journaux également, la crise diplomatique entre la France et le Rwanda… Et cette injonction du Monde : il faut « ouvrir les archives pour établir la vérité : (…) vingt ans après l’extermination des Tutsi, il est plus que temps, pour notre pays, de faire toute la lumière sur sa politique et l’action de ses soldats sur le terrain, pendant le dernier génocide du XXe siècle. (…) De Vichy à la guerre d’Algérie, il a fallu des décennies pour que la France soit capable d’affronter les vérités dérangeantes et éclairer les pages sombres de son histoire. Vingt ans ont passé, et il est grand temps, même si M. Kagamé n’y aide guère, d’ouvrir les archives, estime donc Le Monde, et de faire entrer ce génocide dans l’Histoire. Non pour l’oublier, mais pour passer des anathèmes à la complexité, des mémoires à vif aux méthodes historiques. Pour en tirer aussi toutes les leçons d’actualité sur l’impérieuse nécessité de transparence de la politique africaine de la France, du Mali à la Centrafrique. »

En tout cas, la polémique continue de faire rage… « Rwanda : la France n’a pas été complice ! », s’exclame Le Figaro. Le Figaro reconnait une « indéniable maladresse stratégique et tactique de la France », mais cela « n’en fait pas, affirme-t-il, une complice de génocide. C’est comme si on accusait l’Amérique d’être complice de la Shoah, pour avoir refusé de déclarer la guerre au régime nazi et avoir maintenu des liens industriels avec lui jusqu’à l’attaque japonaise de Pearl Harbour. Puisque Paul Kagamé semble aimer l’histoire, il serait mieux avisé, estime Le Figaro, de nous décrire sa responsabilité directe dans le massacre de dizaines de milliers de civils hutus en République démocratique du Congo, depuis qu’il exerce un pouvoir sans partage à Kigali… »

Et puis, ce point de vue, accusateur celui-là, du réalisateur Raphaël Glucksmann, dans Libération : « alors que nos représentants combattent sans relâche les histrions qui font de la négation de la Shoah leur fonds de commerce, ils seraient inspirés d’arrêter de décorer les révisionnistes du génocide des Tutsis (…). Ils devraient aussi prêter moins d’importance à la défense de l’honneur national, bafoué par les politiques passées et les dénis actuels plus que par les attaques de Kagamé, qu’au respect du million de victimes que nous avons, au mieux, laissées se faire massacrer par nos alliés ou, au pire, activement contribuer à éliminer de la surface de cette terre. (…) Il aura fallu cinquante ans pour que l’Etat français reconnaisse son rôle dans la déportation des Juifs et quarante pour appeler la guerre d’Algérie par son nom. Combien de temps, s’interroge Raphaël Glucksmann, avant que nos dirigeants cessent de sauter au plafond lorsqu’on évoque l’aveuglement criminel de la France au Rwanda ? »

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