Le FMI prend acte d'une réalité de plus en plus criante: les inégalités de revenus sont de plus en plus fortes à travers le monde, non pas d'un pays à l'autre, mais au sein d'une même société. Aux États-Unis, le pays où l'enrichissement est encore une vertu commence à s'interroger sur le fossé chaque jour de plus en plus grand entre riches et pauvres. Le milliardaire Warren Buffet l'a dit crument. La classe des riches l'a emporté sur celle des pauvres. Cela ne l'empêche pas de prôner une meilleure répartition des richesses et la hausse du salaire minimum.
Le nombre de foyers américains avec un revenu supérieur à un million de dollars a atteint un sommet historique cette année, avec 9 millions et demi de familles membres du club, c'est plus qu'avant la crise. Cet accroissement des disparités est une tendance lourde que la crise et les remèdes mis en place pour en sortir n'ont pas corrigée, bien au contraire. Dans son panorama annuel publié hier, l'OCDE constate que les Espagnols les plus pauvres ont été les grands perdants de la crise de la dette.
Les 10 % les plus modestes ont vu leur revenu fondre de 14 % entre 2007 et 2010 tandis que les 10 % les plus riches n'ont perdu que 1 % de leur richesse. L'analyse de l'OCDE confirme l'intuition des économistes critiques à l'égard des politiques d'austérité: la rigueur imposée par la troïka a fait des dégâts que les politiques redistributives n'ont pas pu corriger puisque l'injonction des créanciers était à la réduction des dépenses publiques.
Le FMI reconnait maintenant que ces coupes sombres ont eu des effets négatifs
les conclusions de l'étude publiée la semaine dernière par le fonds sont édifiantes: les inégalités ont augmenté dans la moitié des pays européens qui ont infligé des cures d'austérité à leur économie estiment les auteurs du rapport présenté par le numéro 2 du FMI, David Lipton. C'est le chômage engendré par la rigueur qui a accru la paupérisation reconnaissent les auteurs. Ils préconisent une augmentation des dépenses publiques en direction des populations les plus fragiles pour rétablir une plus grande équité.
Une recommandation étonnante de la part de l'institution spécialiste des ajustements structurels. Autre suggestion inhabituelle de la part des garants de l'orthodoxie financière: augmenter les impôts sur le revenu, le rendre plus progressif serait bien le moyen le plus efficace pour redistribuer plus justement la richesse créée. Avec ce rapport, le FMI confirme un virage à 360° dans l'air depuis quelque temps.
Le FMI a déjà reconnu les erreurs d'appréciation sur la Grèce. En s'adressant le mois dernier aux étudiants de Stanford, la directrice Christine Lagarde s'est inquiétée des effets pernicieux de la montée des inégalités. Et puis il y a trois semaines environ, une autre étude publiée par des économistes du FMI démontrait qu'un excès d'inégalités est néfaste à une croissance rapide et durable.
Cette conversion du FMI va-t-elle se traduire par un changement dans les actes ?
Pour le moment, ces études ne représentent pas la doctrine officielle du fonds. En Ukraine par exemple, l'institution bloque depuis des années l'octroi d'un prêt parce qu'elle attend de Kiev la fin des subventions sur le gaz, et la révision du régime des retraités.
Le FMI pourrait en revanche raffiner son arsenal de mesures d'économies. Si le fonds reste convaincu que les subventions à l'alimentation ou à l'énergie sont contre-productives, il estime en revanche qu'une hausse de la TVA peut avoir des effets redistributifs positifs. On verra dans les négociations en cours avec Kiev jusqu'où le FMI est prêt à aller.