Le président algérien a décidé de rempiler pour un quatrième mandat… Dont acte, pour le quotidien El Moudjahid, proche du pouvoir. « Election présidentielle du 17 avril : le président Bouteflika dépose son dossier de candidature. Plus de quatre millions de signatures, constate le journal, ont été collectées à travers les 48 wilayas et auprès d’élus locaux, du Parlement et des citoyens. »
Par ailleurs, souligne El Moudjahid, « le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, questionné à propos de l’état de santé du président, a souligné que “le président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, se portait bien”. »
Tout va bien dans le meilleur des mondes, donc… Ça n’est pas l’avis d’une grande partie de la presse algérienne qui s’insurge contre cette quatrième candidature de Bouteflika.
« Le sort en est jeté, soupireEl Watan. Irrémédiablement. Ni coup de bluff, donc, ni renoncement de dernière minute. Jusqu’au-boutiste, le président Bouteflika rempile officiellement pour un quatrième mandat. (…) Qu’importent le handicap, la santé chancelante, un bilan de gouvernance décrié, l’usure d’un règne long de quinze ans, les attentes et les espérances citoyennes, Abdelaziz Bouteflika succombe de nouveau à la tentation du césarisme, aux sirènes du pouvoir, au syndrome de Néron… » Et c’est « la voix éteinte, presque inaudible, le visage blême et le regard hagard, que Bouteflika, constate El Watan, a annoncé sa résolution de se porter candidat à sa propre succession. (…) A 77 ans, après trois mandats successifs, conclut le quotidien algérien, Abdelaziz Bouteflika poursuit sa fulgurante carrière d’autocrate, ressemblant à s’y méprendre à celle de ses alter ego d’Egypte, de Tunisie, de Libye, les Moubarak, Ben Ali et Kadhafi, tous déchus dans le sang et la honte. »
Verrouillage ?
Pour Liberté, autre quotidien privé algérien, Bouteflika a trompé le peuple. « Malgré son état de santé, malgré les conséquences du Printemps arabe, malgré les promesses annoncées lors de son discours mémorable du 15 avril 2011, et celui de mai 2012, Bouteflika aura réussi à berner une bonne partie de la classe politique, du moins ce qu’il en reste de “potable”, qu’il n’allait pas briguer un nouveau mandat. Tout faux, s’exclame Liberté. Après son retour du Val-de-Grâce, après une hospitalisation de plus de 80 jours, Bouteflika change de cap et décide de se présenter donc pour un quatrième mandat. (…) Dans cette ambiance brejnévienne de 2014, poursuit le quotidien algérien, l’électeur est perdu entre les considérations de légalité et celles de la moralité. Bouteflika a bel et bien le droit de se représenter pour un quatrième, un cinquième, voire un sixième mandat, la Constitution, amendée en 2008 le lui permet. Mais, dans le même temps, conclut Liberté, le verrouillage du système politique fait que la marge de manœuvre de l’opposition est réduite à néant, éloignant du coup la perspective de la construction d’un État démocratique et social. »
Mise en scène ?
Le quotidien Le Matin, toujours en Algérie, s’emporte : « mais qui peut encore avaler cette mise en scène montrée lundi soir, le 3 mars, sur les écrans de la télévision nationale et que le système tente de vendre aux Algériens. (…) Pas de journalistes pour lui demander au moins s’il va bien ! Et surtout pas de photographes, on ne sait jamais ! Des images ont bien montré un cortège de voitures blindées, bourrées de cartons contenant des millions de signatures, arriver au siège du Conseil constitutionnel, mais personne n’a vu le président sortir de la voiture officielle, marcher, pénétrer sans sonner dans cette vénérable institution et, faire comme tout candidat, se retourner et saluer les nombreux journalistes présents mais tenus à l’écart tout de même ! »
Et, « sans attendre, poursuit Le Matin, tout ce que compte le système s’est mis aussitôt en ordre de marche. Les présidents du Sénat et de l’APN, des ministres, des partis petits et grands, des ex-Premiers ministres et ex-chefs de partis comme Abdelaziz Belkhadem, Ahmed Ouyahia, qui ont rejoint sans sourciller le staff de campagne du président-candidat... personne n’a manqué à l’appel. (…) Tout ce beau monde, qui était déjà là en 1999, en 2004 et en 2009, a feint d’ignorer le cri lancé par ces Algériens sortis samedi dernier, le 1er mars, dans la rue à Alger, Constantine et ailleurs, majoritairement jeunes, pour faire entendre la voix des sans voix. »
Et Le Matin de conclure par cette question : « pourquoi l’Algérie, qui n’est pas une monarchie divine (…), devrait être gouvernée par des gens dont la moyenne d’âge se situe entre 68 et 77 ans et qui sont porteurs d’une vision dépassée de la société. »