Un millier de femmes se retrouvent les 3 et 4 mars prochains à Kinshasa en RDC pour le 2e Forum des femmes francophones où il sera question notamment d'accès à l'éducation. La première édition du Forum avait eu lieu à Paris l'an passé [20 mars 2013]. Parmi les personnalités attendues dans la capitale congolaise : la présidente centrafricaine Catherine Samba-Panza, Aminata Touré, Premier ministre du Sénégal, ou encore la première dame du Mali, Aminata Maïga Keïta, et Mariam Mahamat Nour, ministre tchadienne de l'Economie et du Plan. A l'origine de ce projet, la ministre française déléguée à la Francophonie, Yamina Benguigui.
Pourquoi organiser un tel forum ? Comment sera financé le fonds mondial pour la scolarisation des filles ? François Hollande a-t-il changée d'avis sur le régime Kabila ? La France soutient-elle un candidat pour la succession d'Abdou Diouf à la tête de l'OIF (Organisation Internationale de la Francophonie) ?
Anthony Lattier a recueilli les avis de la ministre française déléguée à la Francophonie, Yamina Benguigui.
RFI : Les droits des femmes, actuellement, ne sont pas assez pris en compte dans l’espace francophone ?
Yamina Benguigui : En effet. Et ce forum est né d’une indignation. Dès ma prise de fonction, je me suis rendue en République démocratique du Congo, en Tunisie, au Mali, en Egypte… et j’ai constaté que dans l’espace francophone, les femmes étaient en perte de droits. Leurs droits régressaient.
Un forum pour quoi faire ?
C’est un forum qui a pour objectif d’accélérer l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Ce sont toutes des femmes « têtes de réseaux ». A Kinshasa, elles seront plus de 1 200 et elles repartiront dans leur pays en étant des « forces de proposition ». Et c’est un forum très actif et puissant aussi, puisqu’il est question de femmes et de pouvoir, de la nécessité de rendre l’école obligatoire jusqu’à 16 ans.
Vous mettez l’accent sur la scolarisation, sur la légalité, sur l’accès à l’éducation. Mais avec quels moyens ?
Nous lancerons cette année à Kinshasa un fonds pour la scolarisation des filles jusqu’à 16 ans. Nous savons que lorsqu’une jeune fille est scolarisée, immédiatement les mariages précoces tombent de fait. Une fille qui est allée à l’école jusqu’à 16 ans ne pourra pas perpétuer ce geste mortifère qu’est l’excision, parce qu’elle saura que cela n’est ni dans l’islam, ni dans les autres textes religieux et que ce sont des coutumes qui perdurent. L’excision ne peut s’arrêter qu’à partir du moment où les femmes arrêtent ce geste, puisqu’il n’y a pas d’exciseur.
Vous annoncez la création de ce fonds mondial pour la scolarisation des filles. Qui va mettre la main à la poche Yamina Benguigui, et combien espérez-vous récolter ?
Ce seront des fonds privés et des fonds publics. Nous avons mis un député, Pascal Terrasse, qui va nous rendre une mission dans deux mois sur comment ce fonds à l’intérieur de l’espace francophone peut se monter. Mais on n’a pas encore lancé le fonds que nous avons déjà des sponsors du forum qui nous ont déjà dit : nous sommes partants.
Ce deuxième forum se déroule à Kinshasa. Kinshasa c’est là où le président François Hollande avait ostensiblement boudé le président Kabila lors du précédent Sommet de la francophonie. Vous vous êtes rendue déjà plusieurs fois dans la capitale congolaise. Est-ce un signe, en y retournant, que la France n’a plus de problèmes avec le régime Kabila ?
La France est assez radicale sur les droits des l’homme, sur les valeurs. Le président Hollande, je pense, a dit ce qu’il pensait de la situation. Mais il faut reconnaître aussi que le gouvernement de Kabila avance. Il y a eu deux lois qui sont passées, dont la loi sur la Céni en octobre 2013. Et il faut saluer ces avancées. Aujourd’hui ça continue, c’est compliqué. Nous n’avons pas à laisser des pays sur le bas côté ou à juger. Nous ne faisons pas d’ingérence.
Mais je crois que l’idée du forum est partie de la République démocratique du Congo et les femmes congolaises seront présentes (plus de 500). Elles vont dire haut et fort ce qu’elles attendent. Et puis, imaginons que ce forum donne des idées au président Kabila : dans son prochain remaniement d’y ajouter plus de femmes.
Le prochain Sommet de la francophonie sera à Dakar au Sénégal. Des personnalités commencent à se porter candidates. Qui soutenez-vous ?
Ah, moi, je ne soutiens personne.
Vous n’avez pas de favoris ?
Non. Et puis surtout c’est un moment très important. Le président Diouf a porté très haut les valeurs de l’OIF (Organisation internationale de la francophonie, ndlr), sa mandature a été exceptionnelle. Elle a renforcé la dimension politique de l’OIF, l’appui à la démocratisation, droits des l’homme, les missions d’observation des élections... Il faut vraiment que le prochain ou la prochaine – de toutes façons ce sera un choix collectif – puisse continuer dans cette voie.
Souhaitez-vous en tout cas que le prochain président ou la prochaine présidente soit originaire du continent africain ? Parce qu’il y a des candidatures aussi du côté du Québec et du Liban.
Moi j’ai une sensibilité pour l’Afrique, évidemment. Nous avons eu Boutros Boutros-Ghali qui venait d’Egypte, il a marqué aussi sa mandature.