A la Une : « Massacre en Europe »

L’Ukraine et son lot de photos glaçantes font ce vendredi la Une de la quasi-totalité des quotidiens en France. Du sang, des flammes, de la fumée : « des scènes de guerre au milieu du continent européen », écrit Le Figaro. Le journal raconte comment l'hôtel Ukraine, surplombant le Maïdan, « vaste vaisseau à l’allure soviétique, qui accueille la majorité des journalistes étrangers, a transformé son rez-de-chaussée en centre médical d’urgence » ; comment des corps ont été alignés, dans un coin du lobby, face à la réception

 Le déchaînement de violences à Kiev est aussi à la une des quotidiens régionaux: « Massacre en Europe », peut-on lire dans La Provence, « L'Ukraine en état de guerre », titre Sud-Ouest. « L'horreur à Kiev » », écrit Le Télégramme. Ouest-France préfère le titre de « Bain de sang ». Entre un régime corrompu et une opposition radicalisée, il y a désormais ces morts de la place Maïdan, « symboles, selon le journal, d'un dangereux dérapage vers une guerre civile ».

Guerre civile ?

Ce terme de guerre civile est impropre si l’on en croit Sud-Ouest. D'après le journal, « ceux qui parlent de « guerre civile » exagèrent, puisque la lutte n’oppose pas encore des civils ukrainiens à d’autres civils ukrainiens, mais des manifestants aux forces de sécurité ». D'autant plus qu'à deux rues de là, selon un Français expatrié interrogé par Aujourd'hui en France, « la vie quotidienne se poursuit, même si le métro et les écoles sont fermées, même s'il y a moins de circulation qu'avant ». Selon lui, les magasins restent aussi approvisionnés normalement.

« Il n’empêche, poursuit Sud-Ouest, que ce déchaînement de violence fait peur. Car tout indique que les Ukrainiens sont pris dans une spirale qu’ils ne maîtrisent plus ». (...) « Ce n’est pas encore Sarajevo ou Homs, mais si rien ne vient stopper cet engrenage, on y va tout droit ! » pense le journal.

L’Ukraine : un pont entre l’Europe et la Russie

Pour Libération, les manifestants ont déjà été trahis par l'Europe, qui depuis trois mois « laisse faire » le président Ianoukovitch et son parrain russe Vladimir Poutine. « Ils les laissent tuer, torturer, tabasser des milliers d'Ukrainiens prêts à manifester et à mourir pour un idéal d'Europe qui, jour après jour, les trahit. Combien faudra-t-il de morts pour que l'Union européenne réagisse ? » se demande Libération.

« Ce pays, souligne Ouest-France, c’est un pont, comme toutes les nations situées aux marches des anciens empires. Et ce pont risque, à tout instant désormais, de s’effondrer. Et ni l’Europe ni la Russie ne peuvent, seules, sauver la situation ». Pour le quotidien régional, « parler de sanctions ne suffira pas », il est « trop tard pour être dissuasif ». La seule solution, c'est maintenant de voir Bruxelles parler directement à Moscou. « Sans la participation active de la Russie, l’espoir de réussir est mince, renchérit Sud-Ouest. Voilà qui rappelle la situation en Syrie. Et si l’on admet un tel rapprochement, cela n’a rien de bien encourageant ».

L’ombre omniprésente de Poutine

Pour la presse donc, Européens et Russes doivent trouver une solution ensemble, mais surtout sans Washington, précise Les Dernières Nouvelles d'Alsace. « Washington, fort prolixe en paroles rappelant la guerre froide » en ce moment, d’après le journal. « D'ailleurs le Kremlin se méfie d'autant plus d'une Ukraine vraiment indépendante qu'elle pourrait, sous les sirènes américaines, être (de nouveau) tentée par l'OTAN. En sachant que la flotte russe de la Mer Noire est basée à Sébastopol», au sud de la péninsule ukrainienne de Crimée.

L'ombre du président russe plane donc lourdement sur les négociations en cours. Pour Aujourd'hui en France, « Poutine défie l'Europe ». En Une du journal, d'ailleurs, le visage du président russe s'affiche au premier plan d'une photo des affrontements à Kiev. Finalement, s'interroge Aujourd'hui en France, « quel est notre poids à nous les Européens dans ce bras de fer avec le pouvoir russe ? Quelle est notre détermination, au-delà d'éventuelles sanctions contre son allié Ianoukovitch, à faire pression sur le maître du Kremlin ? » Question qui reste pour l'instant sans réponse. Pour tenter de conjurer le pire, en tout cas, ils sont venus à trois, note Libération. Trois ministres des Affaires étrangères européens : un Français, un Allemand, un Polonais, arrivés jeudi à Kiev.

Absence de vision à l’Est  

Ce vendredi matin, on apprenait qu’un accord préliminaire entre Bruxelles, Moscou, le pouvoir et l'opposition ukrainienne, avait été trouvé à l'issue de négociations marathons, ce que Le Figaro qualifie de « diplomatie de combat ». Une diplomatie bienvenue selon le journal, « mais que de temps perdu ! » « A l'Est, ces dernières années, les Européens n'ont rien vu de nouveau. (...) On a péché par légèreté, on a péché par orgueil en sous-estimant la soif de renouveau de la puissance russe, après deux décennies de retrait vécues comme une humiliation ». Il n'y avait au final aucune stratégie regrette l'éditorialiste. De toute façon, penser stratégique, ça ne « cadre pas avec le tropisme bureaucratique » de Bruxelles.

L'aveu français est d'ailleurs « terrifiant », écrit Le Figaro qui cite le premier ministre Jean Marc Ayrault, expliquant jeudi matin qu'il serait bon d'avoir une politique russe. « C'est bien de le découvrir, maintenant que le pavé de Kiev est copieusement rougi. [Découvrir] que la Russie est un grand pays posé à la droite de l'Europe. Ce n'est pourtant pas un fait géopolitique nouveau ». Bref, « la tragédie ukrainienne, c'est aussi, pour Le Figaro, celle d'une époque qui a oublié l'histoire et la géographie ».

A lire également dans la presse ce vendredi, un encadré dans le journal La Croix sur la manière dont s’informent les Ukrainiens. La population s'organise en effet pour contrer la censure des chaînes de télévision ukrainiennes. La résistance s'organise face aux médias traditionnels, en général détenus par des proches du président Ianoukovitch. Depuis un peu moins d'un an, des chaînes présentes exclusivement sur Internet offrent une alternative. Parmi elles, Spilno.tv ou encore Espreso.tv qui diffusent toutes les manifestations en temps réel sur Youtube. Elles sont très artisanales, réalisées avec très peu de moyens. Ces chaînes sont financées par des dons uniquement et, selon le journal, chacune d'entre elle touche fréquemment 200.000 spectateurs.

« Et un, et deux, et trois copains ! »

On finit sur un sourire tout de même: le joli triplé français aux JO de Sotchi. Un tout premier podium tricolore à des JO d'hiver, qui s'affiche en une de L'Equipe. Mais pas seulement ! « Et un, et deux et trois copains ! » titre Le Figaro. « Historique ! » s'extasie Aujourd'hui en France. Un trio de « potes », qui se connaissent par cœur depuis dix ou douze ans. Et « dans 10 et 15 ans on en reparlera quand on fera des bouffes ensemble », explique l'un d'entre eux. « Ces trois loustics, vous les connaissiez ? demande Libération. Comment ça pas du tout ? Eh bien il va falloir apprendre leur noms et par cœur encore, car depuis hier, ils appartiennent à l'histoire du sport olympique français ». Par cœur, donc : Chapuis, Bovolenta, Midol. Trois médaillés, qui espèrent avoir donné un gros coup de pouce à la reconnaissance de leur discipline : le ski-cross.

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