Les responsables français ont visiblement décidé de passer à la vitesse supérieure. « Après le chef de l’opération militaire française Sangaris qui a mis le doigt sur la plaie en traitant les miliciens anti-Balaka d' 'ennemis de la paix', relève le site d’information burkinabéFasozine , c’est au tour du ministre français de la Défense de monter au front ce mercredi à Bangui. Dans la capitale centrafricaine, Jean-Yves Le Drian reviendra sur l’engagement de la France à mettre les anti-Balaka hors d’état de nuire. Voilà qui sera désormais clair, estime Fasozine, pour ceux qui dirigent ces groupes armés qui sèment la terreur dans le pays, se livrent à des actes de barbarie et s’en prennent principalement aux musulmans. (…) Maintenant que le général Soriano et le ministre français de la Défense ont clairement identifié les ennemis de la paix en Centrafrique, il ne reste plus qu’à espérer, conclut le site burkinabé, une action militaire plus conséquente afin que ce pays si profondément meurtri retrouve enfin la sécurité et la tranquillité nécessaires pour se remettre au travail. »
« Qu’on ne s’y trompe pas, s’exclame Le Pays , toujours au Burkina : les anti-Balaka ne sont pas des libérateurs encore moins des patriotes. Ils ne sont que de simples bandits qu’il convient de châtier. (…) Ni l’appel de la présidente de transition, Catherine Samba-Panza, ni les supplications de la société civile et des communautés religieuses centrafricaines, n’ont réussi à leur faire déposer machettes et fusils. (…) Cette barbarie n’a que trop duré, poursuit Le Pays, et il est temps d’y mettre fin. Il est vraiment temps de siffler la fin de la recréation car les Centrafricains ont au plus vite besoin de retrouver la paix et la stabilité. »
Quel avenir ?
Dans son éditorial, le site d’information La Nouvelle Centrafrique dresse ce terrible constat : « en un temps très court, la Centrafrique a offert au monde le pire dont l’humain puisse être capable. Les Séléka tuaient, ce fut dans le silence assourdissant de la communauté internationale. Leur succèdent d’autres assassins, et vu le nombre des morts, cela enfin éveille l’attention du reste du monde. En deçà d’un certain nombre de morts, vous n’intéressez personne, déplore La Nouvelle Centrafrique. Et c’est une jeunesse que l’on savait sans éducation, manipulée, perdue, devenue oisive, qui est en première ligne pour les exactions et les meurtres. Conséquences d’un système éducatif avarié, voire inexistant, l’ayant abandonné depuis des années. Difficile dans ces conditions, conclut le site d’information centrafricain, d’envisager demain avec sérénité et confiance. (…) Il est à se demander si ce pays a encore un avenir, tant ses enfants s’ingénient méthodiquement à le détruire.»
L’envoyé spécial du quotidien français Le Figaro nous décrit un pays désormais coupé en deux : « le sud a été vidé de ses musulmans. » En fait, explique-t-il, « le comportement des Séléka, cette rébellion à majorité musulmane qui avait pris le pouvoir en mars dernier, a ouvert les vannes de la rage. Ils traitaient les populations locales, des Bantous chrétiens, en esclaves. À leur départ, sous la poussée des forces françaises et africaines, les anciennes victimes se sont muées en bourreaux (notamment les Antis-Balaka). La fureur d’abord dirigée contre la large communauté tchadienne, dont nombre de Séléka étaient issus, a vite submergé tous les musulmans, centrafricains, sénégalais, nigérians, sans distinction. »
Et les quartiers musulmans de Bangui se sont vidés, constate encore l’envoyé spécial du Figaro, exemple le quartier PK5 : « des dizaines de milliers d’habitants qui peuplaient le PK 5, il n’en reste plus guère. 'Les gens ont fui. Pour un musulman en Centrafrique, il n’y a plus qu’une solution : partir ou mourir', résume Mahamat, ce commerçant coincé derrière un petit étal d’un marché désormais fantomatique. Les boutiques ne laissent plus voir que des grilles fermées ou des portes en fer également closes. Ce marché ressemble à une triste brocante où, à la hâte, on brade des fauteuils, de vieilles télévisions, des radios ou des pendules en forme de mosquée, autant de débris de vies brisées. »
Revoir les priorités
Du coup, s’alarme Mego Terzian, le président de MSF, dans une tribune publiée ce matin par Libération, « nous assistons à un exode massif des populations musulmanes, départs organisés ou spontanés vers le nord-est du pays, le Tchad ou le Cameroun. Plusieurs dizaines de milliers de personnes, issues d’une communauté minoritaire, paient collectivement le prix des exactions commises par les combattants ex-Séléka après leur arrivée au pouvoir, en mars 2013. (…) Les équipes de Médecins sans frontières, présentes sur de nombreuses localités de l’ouest du pays, sont les témoins réguliers, poursuit-il, de ces déplacements forcés, ainsi que des violences qui les accompagnent. (…) Nous pensons, conclut le président de MSF, que les priorités de l’intervention militaire internationale doivent être revues afin qu’une attention particulière puisse être portée à la protection des plus vulnérables, notamment la population musulmane du pays. »