Le bilan de Ben Bernanke, le patron de la Réserve fédérale américaine

Le patron de la Reserve fédérale américaine, Ben Bernanke, a présidé mercredi 29 janvier son dernier comité de politique monétaire. Après deux mandats, il passe le relais à Janet Yellen, première femme à la tête de la banque centrale la plus puissante du monde. Retour sur le bilan de cet homme discret, sans charisme particulier, qui a su innover pour sortir les Etats-Unis de l’une des pires crises de leur histoire. 

Au cours des huit années passées aux commandes de la FED, Ben Bernanke a d’abord eu à gérer les conséquences de la faillite en 2008 de la banque Lehman Brothers qu’il n’a pas su empêcher. Il était en effet convaincu, tout comme l’était d’ailleurs le secrétaire au Trésor de l’époque, Henry Paulson que le système financier allait encaisser le choc. Grave erreur qui allait déclencher des crises en cascade dont le monde peine toujours à se relever.

Une fois ce péché originel commis, Ben Bernanke a toutefois su faire preuve de pragmatisme, en encourageant les plans d'aide publique aux banques et aux compagnies d'assurances contaminées par des prêts toxiques, les fameux subprimes ou crédits hypothécaires à risque. Pas moins de 700 milliards de dollars d’aides publiques ont été déboursés pour sauver l’assureur AIG ou les organismes de refinancement immobilier Fanny Mae et Freddy Mac. Sous son impulsion, le principal taux directeur de la FED est ramené à zéro. Objectif: encourager les banques à se prêter de l’argent et éviter un assèchement du crédit (un « crédit crunch »), fatal pour l’économie.

Face à la gravité de la crise, les mesures conventionnelles ne suffisent pas

Et c’est là que Ben Bernanke va innover. La Fed va se lancer dans des achats massifs de dette publique et de titres de crédits hypothécaires. C’est le fameux « quantitative easing », ou politique d’assouplissement monétaire qui va permettre d’injecter dans l’économie américaine des centaines de milliards de dollars. Sous la présidence de Ben Bernanke, le bilan de la FED va ainsi dépasser les 4 000 milliards de dollars contre cinq fois moins avant le début de la crise. Et le « quantitative easing » n’est qu’un des outils mis en place sous son impulsion. En douze mois, la FED a lancé douze nouveaux produits, alors qu’elle n’en avait pas lancé un seul en une génération. Tout cela dans un but unique, soutenir la reprise.
Et la situation actuelle semble donner plutôt raison à Ben Bernanke. Les principaux indicateurs de l'économie américaine plaident clairement en faveur de sa politique monétaire. Le chômage est aujourd’hui retombé à 7 % alors qu’il reste scotché à 12 % dans la zone euro. Et la croissance est plus franche outre-Atlantique à 2%, alors que les estimations pour cette année en Europe sont proches de zéro.

Une politique d’assouplissement quantitative dont on ne mesure pas les conséquences

Et c’est là tout le problème. Dans une économie mondialisée, une décision prise par la FED n’est pas sans conséquences sur les autres pays. Souvenez-vous lorsqu’en mai dernier, Ben Bernanke avait, pour la première fois, évoqué un scénario de sortie de la politique de planche à billets de la Réserve fédérale, un vent de panique a soufflé sur les économies émergentes, provoquant une fuite des capitaux de ces pays et entraînant une chute des monnaies locales. Entamée en décembre, la sortie très progressive du « quantitative easing » pose incontestablement un risque pour la stabilité financière mondiale, comme en témoigne aujourd’hui plus que jamais la situation dans les pays émergents. Ce qui fait dire à certains analystes que la sortie de la crise sera aussi compliquée, voire plus, que la réponse à la crise. Car maintenant que la reprise est enfin de retour aux Etats-Unis, la FED n’a plus d’autre choix que celui de mettre un terme à sa politique de soutien à l’économie. Elle devra tôt ou tard remonter ses taux car si l’on prolonge encore cette ère de l’argent facile, on court le risque de voir apparaître de nouvelles bulles, portant les germes de crises à venir.

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