Les journaux sont quasi-unanimes ce matin pour saluer la très longue intervention hier du chef de l’Etat.
« Hollande libéré », s’extasie Libération.
« Réformes : Hollande veut accélérer », constate Ouest France.
« Hollande : le pacte de réalité », note La Provence.
« Un social-libéral qui s’assume », s’exclame La Marseillaise.
« Hollande : le virage libéral », renchérit L’Indépendant.
« Hollande accentue la baisse des charges », précise La Croix.
« La fin des cotisations familiales pour les entreprises », se réjouissent Les Echos.
Le Figaro reste prudent : « un tournant… dans les mots »
L’Humanité ironise : « moi commis du patronat »
La Dépêche du Midi résume le sentiment général : « pour ceux qui souhaitaient une révélation choc, les voilà servis. François Hollande l’a enfin avoué : oui, il est social-démocrate ! Du passé socialiste aurait-il fait table rase ? Dans sa tête, les grands principes qui accompagnaient l’histoire de la gauche française doivent faire place à un mot d’ordre plus prosaïque : la fin justifie les moyens. La fin, précise La Dépêche : c’est la bataille pour l’emploi, et la victoire sur le chômage. Les moyens : c’est de retrouver l’efficacité dans une économie de marché pleinement assumée. »
Libération est convaincu : « force est de reconnaître que l’intervention d’hier ouvre un nouveau chapitre du quinquennat. Avec un Président qui se projette sur un axe volontairement à droite de la gauche, et qui fait du pacte de responsabilité avec les entreprises et de la réduction des dépenses publiques les deux pierres angulaires de sa lutte pour le retour à la croissance et à l’emploi. Un président en ordre de bataille aussi, qui s’impose des échéances et engage la responsabilité de son gouvernement devant le Parlement quant à cette nouvelle collaboration avec les patrons. Le pari n’est pas sans risques, relève Libération, pour un François Hollande en obligation de résultats après avoir louvoyé trop longtemps. Mais au moins le débat peut-il s’ouvrir désormais sur ce qui ressemble à s’y méprendre à un véritable programme présidentiel. »
Bonnes notes…
Les Echos, très critiques d’habitude envers la politique sociale et économique du gouvernement, affichent un certain soulagement : « hier, François Hollande, pour la troisième conférence de presse de son quinquennat, a prononcé - enfin - les mots que l’on attendait de lui. Il n’a pas nié la gravité de la situation, a glissé qu’il avait pêché par optimisme et a donné aux entreprises la place qui leur revient pour faire repartir la croissance, c’est-à-dire la première. Le principal problème de la France, c’est la production : on aurait aimé, relève le quotidien économique, que cette phrase soit prononcée il y a dix-huit mois. »
« Le chef de l’Etat n’y est pas allé de main morte dans son offre au patronat, précise Le Républicain Lorrain. Pour alléger le coût du travail et restituer des marges de compétitivité aux entreprises, il propose, moyennant contrepartie sur l’emploi, de supprimer d’ici 2017 les cotisations familiales sans pour autant en reporter la charge sur les ménages. La mesure sera gagée par des économies résultant non pas de coupes supplémentaires mais de véritables réformes de structures. C’est audacieux. Et c’est intelligent (…). »
Ouest France donne également une bonne note au chef de l’Etat : « sur la forme, le très long exercice d’hier était presque parfait. Le Président a pratiquement réussi à faire que son message ne soit pas pollué par le feuilleton qui agite l’Élysée. On l’a vu plus Président que souvent. Sur le fond, François Hollande a mis la priorité sur l’entreprise, la baisse des impôts et de la dépense. Jamais, sans doute, son discours et ses engagements n’auront été autant en harmonie avec ce qu’il est vraiment, un social démocrate. »
Bref, conclut La Montagne, « avec une réforme territoriale esquissée, une réduction des déficits publics, un volontarisme européen poussant à la convergence franco-allemande, François Hollande a donné corps à son allocution de Nouvel An. En quelque sorte, il a mis la charrue après les vœux. »
Tour de passe-passe ?
Un peu dissonant dans ce concert de bonnes notes, Le Figaro joue le Saint Thomas. Il veut le voir pour le croire… « Cinquante milliards d’économies d’ici à 2017 ? Fort bien, mais on nous le serine bruyamment depuis de longs mois déjà, et ceux qui souhaitaient savoir enfin où porterait l’effort en ont été encore pour leurs frais. (…) La baisse de 30 milliards des cotisations versées par les entreprises à la branche famille ? Un tour de passe-passe, dénonce encore le quotidien d’opposition, qui s’accompagne de création de comités Théodule et d’une concertation tous azimuts avec les syndicats, les élus locaux, auxquels il faut ajouter sa propre majorité. On le devine, ce n’est pas gagné… Finalement, conclut Le Figaro, le PS avait raison de nier tout virage dans la politique du président. S’il y en a un, il est verbal, et évidemment destiné à rassurer les créanciers de la France et les agences de notation. Malheureusement, il est à craindre qu’ils réclament autre chose que des mots. »
Pour sa part L’Humanité dénonce une politique « plus austéritaire, plus antisociale, plus libérale que jamais. François Hollande appuie sur l’accélérateur et promet la saignée. (…) Le pacte de responsabilité qu’il conclut avec le patronat n’est rien d’autre qu’une nouvelle vague de déréglementation du travail. François Hollande assume, pour la première fois, une politique de l'offre, déplore encore L’Humanité, traditionnellement défendue par la droite la plus dure. Bien qu’il s’en défende en jurant ses grands dieux de n’être pas gagné par le libéralisme, il sera, pour la deuxième partie de son mandat, le président du Medef. Il y a franchement, conclut le quotidien communiste, de quoi rester interdit devant tant de tromperies. »
Haute voltige !
Enfin, pour Le Parisien, une chose est sûre, François Hollande a surpris hier… « Renvoyant à plus tard des explications sur son couple, le chef de l’Etat a éclairci sa ligne, sa politique et sa méthode avec des accents qu’on ne lui connaissait guère. Sa ligne ? Celle d’un socialiste devenu social-démocrate, plus proche sur le fond d’un Tony Blair que de n’importe quel socialiste français. Sa politique économique ? Tournée vers l’offre et donc les entreprises plutôt que la demande et donc les salariés. Dans l’histoire de la gauche au pouvoir, relève Le Parisien, personne n’avait aussi clairement affirmé qu’il fallait commencer par créer des richesses avant de penser à les redistribuer. Sa méthode, enfin ? La négociation au pas de charge. Lui qu’on disait mou et flou a lancé hier un programme de réformes et d’économies inédites avec échéances à la clé. Alors, bien sûr, conclut Le Parisien, il faudra attendre et juger sur pièces pour savoir si cet exercice de haute voltige relevait davantage de la diversion médiatique que du virage politique. Il n’empêche, sur le fond comme sur la forme, quelque chose hier a changé à l’Elysée. »