A la Une : Dieudonné, motus et bouche cousue

L’interdiction du spectacle de l’humoriste hier soir à Nantes, mais aussi et surtout les rebondissements judiciaires ayant émaillé la journée d’hier ont à tel point surmultiplié l’emballement médiatique que, ce matin, la presse écrite n’en a que pour Dieudonné – ou plutôt contre Dieudonné, serait-on tenté de résumer.

Mais, c’est bien connu, dans les rédactions, comme les clous, un emballement chasse l’autre. Et, avant de parler de l’affaire Dieudonné, gageons qu’une autre affaire va tôt faire de voler la vedette à celle de l’humoriste. C’est celle, livrée ce matin comme des croissants chauds par le magazine Closer, de la présumée liaison amoureuse du président de la République.

Hollande : vaudeville

Photos à l’appui, le journal et publie une édition spéciale dans laquelle il affirme que François Hollande a une liaison avec l’actrice Julie Gayet.

Sur son site internet, le confrère people écrit ceci : « Autour du jour de l’An, le chef de l’Etat, casque sur la tête, rejoint à scooter la comédienne dans son pied-à-terre où le président a pris l’habitude de passer la nuit ». Le journal affirme également que le chef de l’Etat « est accompagné d’un seul garde du corps qui protège le secret de ces rencontres avec la comédienne et apporte même les croissants ! ».

S’exprimant auprès de l’Agence France presse en son nom propre, et non pas en tant que président de la République, François Hollande, a « déploré profondément les atteintes au respect de la vie privée auquel il a droit comme tout citoyen » ajoutant qu’il « examine les suites, y compris judiciaires, à apporter à cette parution » de Closer. La journée ne fait que commencer.

Dieudonné : quand la justice s’emmêle
 
Tout sauf people, elle, l’affaire Dieudonné a donc pris hier une tournure judiciaire inédite. C’est en effet en fin de journée que le Conseil d’Etat, qui est à la justice administrative ce que la Cour de cassation est à la justice civile, a invalidé le jugement du tribunal administratif de la bonne ville de Nantes, dont l’édile n’est autre que le premier ministre Jean-Marc Ayrault. C’est-là que Dieudonné devait débuter la tournée de son dernier spectacle. Feu vert, donc, du juge administratif, étant rappelé qu’après avoir, sur scène, tenu des propos antisémites, l’humoriste était sur la sellette. Une poignée d’heures plus tard, patatras ! Le Conseil d’Etat faisait passer le feu au rouge.

« Fini de rire », lance Le Parisien. « Rideau sur la haine », rehausse Libération. « Valls obtient l’interdiction de Dieudonné », personnalise Le Figaro. « Les dangers d’une interdiction », prévient L’Humanité. « Les risques de la provocation », modère La Croix. Voilà pour les titres. Reprenons.

Pour Le Parisien, c’est « à l’arraché » que Dieudonné a été sanctionné. Le quotidien remarque d’abord que « deux juges » ont rendu « deux décisions contraires ». Et cela, en l’espace de « quatre heures ». Et, une fois n’est pas coutume, se fend d’un long éditorial. Pas facile, en effet, d’expliquer clairement à ses lecteurs, pas tous férus de la chose judiciaire, il est vrai, les attendus contradictoires de ces deux instances. Une situation « incroyable, insiste le quotidien,qui fait d’un saltimbanque en pleine dérive idéologique le centre de gravité autour duquel notre société devrait se déterminer jusqu’à se diviser ». Pour Le Parisien, Dieudonné « n’est plus un humoriste ». Et le confrère de dénoncer son « antisémitisme obsessionnel » qui serait « de la même nature que celui qui a conduit le monde au chaos et aux atrocités de la Seconde Guerre mondiale ».

Sur la même ligne, Libération traite Dieudonné de « raciste » et d’« antisémite ». Et le quotidien estime que la République « doit se défendre contre ces poisons d’où qu’ils viennent » d’abord. Et que le président et le ministre de l’Intérieur « ont raison de combattre Dieudonné », ensuite. Mais, dans le même temps, Libération, admet que les fans de Dieudonné verront ces décisions de justice « comme une censure ». Et qu’elles risquent « de faire du sinistre humoriste un martyr de la liberté d’expression aussi vils soient ses propos ».

Dieudonné : chiffon rouge
 
C’est bien-là le hic. Et une bonne partie de la presse française ne cache pas ses réserves ce matin. Témoin Le Figaro. Si François Hollande et le gouvernement « sauvent la face », aux yeux de beaucoup, « l’odieux est devenu martyr. L’infréquentable a acquis le statut de héraut de la parole libérée. C’est inouï », se désole le journal. Voilà pourquoi Le Figaro qualifie la décision du Conseil d’Etat de « fragile victoire » pour le ministre de l’intérieur Manuel Valls, qui, dans cette affaire, a été un « pompier pyromane », estime le quotidien.

L’Humanité n’écrit pas autre chose. Manuel Valls « se livre à un jeu dangereux, regrette le quotidien communiste, singeant les pratiques de Zébulon de Nicolas Sarkozy : suractivité saturant les médias, et roulements de muscles pour passer par-dessus les lois, voire ceux qui sont censés les appliquer. Aux adeptes du bras tendu, et peu importe dans quelle direction, il répond par la posture du lever de menton », étant précisé que Zébulon était un personnage d’animation. Monté sur ressort, Zébulon passait son temps à bondir et rebondir pour la plus grande joie des enfants. Mais, on l’aura compris, L’Humanité soupçonne Manuel Valls de le faire exprès. « Prétendre combattre l’extrême droite alors qu’en fait on lui trace un boulevard, c’est ouvrir davantage encore la boîte de Pandore », se courrouce le journal communiste.

Voilà ! Alors, on pourrait continuer comme ça longtemps. On laissera plutôt le mot de la fin au quotidien La Croix, qui, en termes mesurés, désapprouve la décision du Conseil d’Etat. « L’interdiction administrative n’est pas la solution. (…) Quant aux professionnels de la dérision, qu’ils veuillent bien reconnaître qu’il n’est pas bon de rire de tout, qu’ils sont responsables des conséquences de leurs propos largement diffusés sur Internet, que la vulgarité salit », sermonne, tel Maître Jacques, le quotidien catholique.

Centrafrique : Djotodia-bashing

Michel Djotodia toujours sur le grill. Le président centrafricain par intérim n’est toujours pas fixé sur son sort, les travaux du sommet de l’Afrique centrale à Ndjamena, au Tchad, ayant été suspendus dans la nuit.

Libération qualifie Michel Djotodia de « dirigeant fantoche », de « pantin, d’homme falot », qui serait « écrasé par la tâche », mais qui serait aussi « totalement dépassé par l’ampleur du désastre humanitaire et sécuritaire à Bangui ». N’en jetez plus.

De toute façon, le sort de la Centrafrique « se décide au Tchad », lance Le Figaro.

Et Le Parisien croit savoir que le sort de Michel Djotodia a été scellé « la semaine dernière, au cœur du palais Rose, la résidence de Déby » en présence d’Ali Bongo, président du Gabon, et de Denis Sassou N’Guesso, son homologue du Congo-Brazzaville. « Djotodia doit démissionner. C’est la conclusion des trois chefs d’Etat africains et de la France », lance Le Parisien. Qui ajoute : « Déby, Sassou et Bongo ont l’intention de se rendre bientôt à Bangui pour désigner un nouveau chef de transition. Pas sûr que les Centrafricains accueillent cette “tutelle régionale” avec bienveillance. Mais les chefs africains ont encore le temps de peser le pour et le contre... et de changer d’avis ».

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