« Les Français plus forts que les Américains », a titré le Wall Street Journal après le vote par le Sénat, le 10 décembre, d’un projet de loi de programmation militaire. Dans son article 13, cette loi prévoit de renforcer les moyens de surveillance électronique en donnant aux services de police ou de renseignements français l’accès aux données téléphoniques et numériques d’un suspect au nom de la défense de la sécurité nationale.
A côté, à en croire le Wall Street Journal, Prism, cet espionnage systématique mis à jour par Edward Snowden ne serait qu’une pratique bien plus modeste de la NSA. Une thèse défendue par Gilles Babinet, le représentant français du numérique en Europe mais aussi par l’Asic, le lobby des géants de l’Internet, le Medef ou encore Reporters sans frontières.
Alors, tentons de résumer leurs arguments. Pourquoi cette loi est-elle une menace pour les libertés ? D’abord parce que l’interception des données de connexion se fait par des agents des ministères de la Défense, de l’Intérieur mais aussi de l’Economie sous l’autorité du Premier ministre. Il n’est pas prévu de dispositif de contrôle indépendant par la justice et, si tout se fait sur le regard d’une commission administrative, celle-ci n’a pas le pouvoir d’arrêter une interception.
Ensuite, le spectre de la surveillance est bien trop large puisqu’il concerne le terrorisme, on l’a dit, mais aussi la criminalité et la délinquance organisées ou le potentiel économique de la France. Tout pourra d’ailleurs être espionné, de la géolocalisation aux communications en passant par des documents, il y a là de multiples débordements possibles. Et de quoi être paranoïaque.
« Non, la France ne vient pas d’adopter un Patriot act », estime de son côté Laurent Borredon du quotidien Le Monde, en référence à cette loi américaine très intrusive votée après le 11 septembre. Outre que l’on peut trouver comique que des géants qui utilisent nos données personnelles à des fins mercantiles se mobilisent ainsi quand un Etat veut garantir sa sécurité, il s’agit selon lui d’adapter notre droit aux évolutions technologiques, de légaliser la géolocalisation par des services de renseignements, l’interception en temps réel ne pouvant se faire sous le contrôle d’un juge.
Difficile de lui donner tort. Mais imaginons un tel arsenal dans un autre pays que la France ? Comment ne pas être sensible au discours de la Fédération internationale de droits de l’homme qui, au nom de la défense des libertés individuelles, en appelle à une saisine du Conseil constitutionnel. Une clarification de sages, sans doute, est nécessaire.