A la Une : un épisode très attendu dans le feuilleton Talon

C’est ce mercredi que la justice française va rendre sa décision sur le dossier de demande d’extradition de Patrice Talon, cet homme d’affaire béninois, accusé d’avoir voulu empoisonner le président Yayi Boni et d’avoir fomenté un coup d’Etat.

La presse béninoise est sur les dents. « Extradition de Patrice Talon : tous les regards sont tournés vers la Cour d’appel de Paris », s’exclame La Nouvelle Tribune à Cotonou. « L’audience de ce jour est donc le dernier épisode de la saison parisienne de ce thriller à la béninoise. Et naturellement, il y a du suspense. Faut-il encore s’en douter, pour une affaire qui tient en haleine l’opinion publique béninoise depuis plus d’un an. On imagine déjà l’atmosphère qui va prévaloir dans les couloirs et bureaux du palais présidentiel de la Marina, avant l’annonce du verdict de Paris. »

Une atmosphère qui ne serait pas vraiment à l’optimisme, relève le quotidien béninois. En effet, d’après lui, « tout porterait à croire que ce verdict ne serait pas favorable à Boni Yayi. Allusion faite aux réquisitions du parquet, défavorables au demandeur de l’extradition. »

Le Matinal, autre quotidien de Cotonou, nettement ancré dans l’opposition, estime lui aussi que les juges français refuseront l’extradition de Patrice Talon. « Les Français en état d’alerte ! », titre Le Matinal. Une alerte qui « provient des services consulaires français. » En effet, précise le journal, « la France a prévenu ses ressortissants au Bénin, et surtout ceux qui y ont des affaires au soleil, qu’une réaction épidermique du président Yayi Boni pourrait survenir en cas du rejet de la demande d’extradition de Patrice Talon. Ce message adressé aux Français, annonce aux yeux de nombreux observateurs qui suivent ce dossier, un mauvais présage pour Yayi Boni et sa clique », estime Le Matinal.

Zones d’ombre

La presse de la sous-région continue de s’interroger pour sa part sur la fuite vers les Etats-Unis, en fin de semaine dernière, du juge Houssou, le magistrat béninois qui, en mai dernier, avait prononcé un non-lieu dans cette affaire d’empoisonnement et de coup d’Etat supposés. L’Observateur Paalga au Burkina s’interroge : « Ce départ précipité chez l’Oncle Sam est quasi concomitant avec l’imminence du verdict sur l’extradition de Talon. Est-ce une façon d’influer sur la décision de la chambre d’instruction de la Cour d’appel parisienne ? »

Par ailleurs, relève L’Observateur, « si effectivement le juge Houssou était pisté à la trace par des barbouzes officiels, on voit mal comment il aurait pu les semer, à moins d’être “l’homme invisible”. C’est pourquoi on peut aussi objectivement se poser la question de la réalité des menaces qui pesaient sur le juge. Etait-il vraiment en danger comme le prétendent ses conseils ? »

L’affaire n’a sans doute pas fini de livrer tous ses mystères. Reste que, pour Le Pays, toujours au Burkina, le mal est fait : « Avec l’affaire Patrice Talon, le Bénin a fait un grand pas inattendu en arrière. (…) Preuve est faite que la justice n’est pas libre au Bénin. (…) Incontestablement, la démocratie béninoise, sous Yayi Boni, perd une part importante de sa notoriété pourtant acquise il y a des années au prix de hautes luttes ! »

Avoir une politique africaine était devenu suspect…

Et puis, autre sujet, économique, celui-là : « A l’avant-veille du sommet de l’Elysée, à Paris, sur la paix et la sécurité en Afrique, Bercy organise aujourd’hui une conférence “pour un nouveau partenariat entre l’Afrique et la France”. A l’occasion de ce forum économique, un rapport sera remis au ministre, Pierre Moscovici, rapport rédigé par le banquier franco-béninois Lionel Zinsou ». Celui-ci est longuement interrogé ce matin dans le quotidien français Libération : « Avoir une politique africaine était devenu suspect, affirme-t-il. Heureusement, cela évolue car les générations changent. Aujourd’hui, les entreprises très spécialisées sur l’Afrique n’existent quasiment plus. Les nouvelles générations, en France et en Afrique, n’ont plus de complexes liés à la période coloniale et postindépendance. » Par ailleurs, poursuit Lionel Zinsou, « il n’y a jamais eu de recul du poids économique de la France en valeur absolue, mais en valeur relative. Car les pays émergents, eux, ont beaucoup progressé. Du coup, la présence française s’est un peu diluée. Il y a une prise de conscience, aujourd’hui, que c’est une chance gâchée qu’il faut ressaisir. (…) La France ne doit pas laisser passer sa chance, conclut-il. On a un marché qui est proche culturellement et géographiquement et qui, avec l’Asie, est celui qui se développe le plus au monde. » 

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