A la Une: Ghislaine Dupont et Claude Verlon

Pour être tout à fait franc, nos deux confrères assassinés à Kidal, au Mali, ne sont pas vraiment à la une de la presse hebdomadaire. Mais dans L’Express, ils n’y sont guère loin. Dans les toutes premières pages du magazine, passé le sommaire, c’est la page du dessin de Plantu. Caricaturiste à L’Express comme au journal Le Monde, Plantu est une figure de la presse française. Et cette semaine, c’est à RFIqu’il consacre son dessin.

La scène se déroule dans le Sahel. Sur la quasi-totalité de la surface du dessin, un arbre. Sur son tronc, le logo deRFI, en blanc sur fond rouge, et dans ses branches, parmi les feuillages, des mains tenant chacune un micro. Au pied de l’arbre, un homme barbu au regard vindicatif, hache en main, qui vient de couper deux branches, et donc deux micros deRFI gisant à ses pieds...

Et tandis que le barbu à la hache s’acharne à tenter de couper bras et micros de l’arbre RFI, le second personnage, en arrière-plan, poste de radio collé à l’oreille, verse une larme pour la radio qu’il aime, un cœur, tel un soupir, s’échappant de sa tête. Des plus hautes branches de l’arbre, la colombe de la paix prend son envol vers le soleil, un micro de RFIsous l’aile, entraînant dans son sillage un calicot sur lequel est écrit : «Et toujours des traces de vie dans le désert.»

Bel hommage de Plantu à Ghislaine et Claude, mais aussi à tous les autres micros de RFIque, sur ce dessin en tout cas, le barbu acariâtre va avoir du mal à couper de sa hache.

Un dessin qui vaut bien des discours, mais aussi d’autres analyses, en toutes lettres celles-là, dans la presse hebdomadaire

Ghislaine et Claude, dont l’autopsie a confirmé qu’ils avaient été «tués par balles», souligne Le Journal du Dimanche, «n’auraient pas été aussi facilement enlevés en pleine ville et en plein jour si les maigres troupes de Serval avaient été assez nombreuses pour tenir la ville de Kidal sans l’aide de sa milice locale», énonce Le Figaro Magazine.

Marianne se penche cette semaine sur «le bourbier malien». Notant qu’al-Qaïda au Maghreb islamique prétend avoir apporté une «réponse aux crimes commis par la France contre les Maliens», le journal se demande si cette revendication constitue le «vrai motif» de l’assassinat de Ghislaine et Claude. Marianne évoque en effet la récente libération des quatre ex-otages français d’Arlit et se demande s’il n’y a pas un «lien de cause à effet avec le meurtre des deux reporters de RFI. Une vengeance pour des promesses non tenues ?», s’interroge le magazine.

Cette question, Le Nouvel Observateur se la pose également. La libération des quatre ex-otages français puis l’assassinat de Ghislaine et Claude, est une «troublante coïncidence», note l’hebdomadaire, qui, à son tour, s’interroge : «peut-il y avoir un lien entre ces deux séquences ?».

Le Nouvel Obs a interrogé un «expert», chercheur en science politique à l’université d’East Anglia, en Grande-Bretagne. Yvan Guichaoua estime que, pour l’opération française Serval comme pour la Minusma et l’armée malienne, l’assassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon est une «humiliation», mais aussi une «claque magistrale pour les rebelles touaregs du Mouvement national de Libération de l’Azawad (MNLA). La France leur a accordé une relative confiante, dit-il au journal (…). Or, ces assassinats montrent que Kidal échappe en réalité à leur contrôle».

Au-delà de Kidal, cet « expert » ne se montre guère optimiste pour le devenir du Mali

«Ceux qui ont la charge du Mali aujourd’hui (…) sont prêts à commettre les mêmes erreurs que par le passé. Ils semblent convaincus qu’un retour à la démocratie, consacré par des élections, suffira. Or la présidentielle n’a pas profondément renouvelé le personnel politique, déplore-t-il dans Le Nouvel Observateur. Les initiatives de dialogue et de réconciliation n’ont pour le moment enclenché aucune dynamique. La communauté internationale reprend son aide sans se poser trop de questions (…). Et personne n’a mis de coup de pied dans la fourmilière des narcotrafics». Conclusion de ce chercheur : «On voit ainsi se remettre en place les pièces du puzzle qui a mené au désastre».

Raison pour laquelle Le Point prévient que l’opération Serval va jouer les prolongations au Mali. «Au début de l’année, le gouvernement avait assuré que les troupes françaises quitteraient le Mali dès le mois de mars. Après les meurtres des deux journalistes, ce n’est plus d’actualité», énonce, catégorique, Le Point.

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