Les réformes Schröder, un bilan discuté

Il y a dix ans tout juste aujourd'hui, le chancelier allemand Gerhard Schröder lançait au Bundestag la grande réforme censée relancer la compétitivité du pays, l' « Agenda 2010 ». Mission accomplie, l'Allemagne est devenue le premier de la classe européenne, et pourtant le bilan de ces réformes ne fait pas l'unanimité.

Pour ranimer l'Allemagne, surnommée alors « l'homme malade de l'Europe », à cause de sa croissance atone, de son chômage de masse, le chancelier social démocrate taille à coup de hache dans l'Etat providence. Les impôts diminuent et les prestations sociales aussi. Santé, école, retraite, marché du travail, tout y passe. On retiendra surtout de ces réformes le durcissement du traitement social du chômage. L'indemnisation est raccourcie de quasiment trois ans à une année et si le demandeur d'emploi n'a pas retrouvé de travail, il est obligé d'accepter ce qu'on lui propose. La création des mini boulots payés 450 euros par mois favorise les embauches, dès 2008 le chômage est divisé par deux. La croissance fait le reste et l'Allemagne devient le modèle à suivre quand éclate la crise de la dette.

L'assainissement des finances publiques fait école à travers l'Union européenne

Berlin, qui arrivera à l'équilibre budgétaire en 2015, et qui est bien le seul Etat européen dans cette position, a effectivement réussi à imposer l'austérité dans tous les pays aux finances délabrées. Avec des bonheurs divers. On réalise à contrecoup que cette politique qui a fait ses preuves en Allemagne, quand c'était le seul pays à l'appliquer, devient très vite contre-productive quand elle est généralisée comme c'est le cas en ce moment. En ce qui concerne la libéralisation du marché du travail, l'Espagne tente aujourd'hui de s'en inspirer dans son plan présenté cette semaine pour résorber le chômage des jeunes. Mais c'est sans doute le seul pays à emprunter cette voie, car cette politique qui a aggravé les inégalités commence à être remise en cause par l'ensemble de la classe politique allemande. Le nombre de pauvres aurait progressé de 8 à 15 millions en dix ans selon une étude confidentielle réalisée par l'ambassade de France à Berlin (une info du magazine Challenge). Les deux grands partis qui se préparent à une élection à l'automne soutiennent tous les deux la mise en place d'un salaire minimum tant les salaires les plus bas se sont affaissés. Avec les mini jobs exemptés de cotisations sociales, de plus en plus de salariés allemands arrivent à l'âge de la retraite en sachant qu'ils ne toucheront pas de pension. Une situation qui devient très compliquée dans ce pays vieillissant.

Malgré ces dommages, la plupart des économistes allemands estiment que les réformes ont joué un rôle dans la reprise

Mais pas forcément le rôle principal qu'on leur attribue volontiers. Un journaliste français va beaucoup plus loin. Guillaume Duval,dans son livre intitulé Made In Germany, le modèle allemand au-delà des mythes, soutient que le rebond a eu lieu malgré les réformes Schröder. Ce sont surtout les atouts historiques de l'Allemagne qui lui ont permis de mieux traverser la crise. Par exemple, la fameuse co-gestion entre syndicat et patronat qui facilite les accords de branche pour traverser les crises. Et puis une conjonction inouïe : la spécialisation de son économie dans les machines-outils lui a offert sur un plateau la clientèle des pays émergents en train de construire pièce par pièce leur industrie nationale.
 

 

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