Une visite qui fait la Une de la presse algérienne. Il faut dire que les attentes sont nombreuses, à l’image de ce dessin publié par le quotidien Liberté : on y voit François Hollande traverser la Méditerranée… à pied, en sifflotant, avec cette légende : « Hollande attendu comme le messie. »
Pour El Watan, cette visite constitue « un pas de plus sur la question de la mémoire. (…) le président Français devrait en effet prononcer jeudi un discours sur la mémoire devant les deux Chambres du Parlement au Palais des nations et un autre, le lendemain, sur l’avenir et la jeunesse à Tlemcen. »
D’après El Watan qui affirme s’appuyer sur les confidences d’un proche collaborateur de l’Elysée, « François Hollande a bien compris l’importance de la question mémorielle, il a bien entendu ceux qui ont dit que les Algériens, aussi bien au niveau officiel que populaire, sont en attente d’un geste symbolique fort. Le Président a été sensibilisé au caractère profondément douloureux de la question, à savoir que les Algériens avaient subi des humiliations et des violences extrêmes alors qu’ils ne demandaient que leurs droits à la dignité. »
Alors que va dire François Hollande ? Jusqu’où va-t-il aller ? La Tribune , autre quotidien algérien, attend une reconnaissance des crimes coloniaux : « si la France a fermé les yeux sur les graves atteintes aux droits de l’Homme en Chine pour y vendre le TGV, des Airbus, des centrales nucléaires… elle peut bien les rouvrir sur des crimes coloniaux qu’elle a elle-même commis et dans le pays que visite son président ? Le fera-t-elle ?», s’interroge La Tribune. «Elle a esquissé le battement de cils prometteur. La question qui demeure c’est jusqu’où ira M. Hollande dans le mea culpa. La question qui reste en suspens c’est de savoir si la réponse sera déterminante pour l’avenir et la qualité des relations que l’Algérie entretiendra avec la France. Car, si pour le passif historique la balle est dans le camp français, pour le présent comme pour l’avenir, l’Algérie a son mot à dire, et les Algériens espèrent qu’elle le dira haut et fort. »
Autre dossier important entre la France et l’Algérie : le dossier malien… Et sur ce dossier, déplore Le Quotidien d’Oran, « Paris semble s’entêter. On a prôné l’intervention militaire et on ne transige pas ! » Et pourtant, souligne le journal, «l’option défendue par l'Algérie de mettre tous les Touaregs, y compris les plus puissants d’entre eux actuellement, à savoir Ançar Eddine, du côté de la solution se défend parfaitement. Elle implique qu’à Bamako les choses se stabilisent pour un dialogue sérieux et inclusif. Cette démarche est de nature à limiter le spectre des cibles et donne de meilleures garanties de réussite qu’une guerre frappant tout le monde au nord du Mali avec des conséquences imprévisibles. Le refus des responsables français de l’admettre est, c’est le moins qu’on puisse dire, peu compréhensible », estime Le Quotidien d’Oran.
Instrumentalisation de l’histoire ?
Cette visite de François Hollande en Algérie est également commentée par les journaux ouest-africains. « Hollande peut-il briser le mur de glace ? », s’interroge Le Pays au Burkina. « François Hollande, Président d’une France en crise, arrive dans une Algérie qui, elle-même, est en panne de démocratie. Certes, le Président français arrive en terrain miné, mais il dispose de deux atouts majeurs : sa simplicité et son humilité», estime le quotidien burkinabé.
Pour ce qui est la question mémorielle, Le Pays estime que « les pouvoirs algériens successifs n’ont eu de cesse depuis l’indépendance de manipuler et d’instrumentaliser le passé colonial. Comme si la mémoire de la guerre d’Algérie était la seule source de légitimation politique pour ces pouvoirs. Non, lance le quotidien burkinabé, le passé colonial n’explique pas tout ce qui s’est déroulé et se déroule encore dans l’Algérie indépendante. Au même moment, la jeunesse algérienne, majoritaire dans ce pays, étouffe et son seul rêve réside dans l’émigration. Il faut espérer qu’un jour, conclut Le Pays, la France et l’Algérie puissent parvenir à une lecture objective, apaisée et consensuelle du passé colonial. »
Analyse similaire pour L’Observateur, toujours au Burkina : « quand bien même on comprend ce passéisme à fleur de peau de l’Algérie, car la tragédie des peuples ne saurait se dissoudre dans le temps, on se demande néanmoins s’il n’y a pas un côté puéril de ses dirigeants qui s’accrochent mordicus à une histoire certes dramatique mais pas insurmontable. Que gagneraient-ils à ce que l’Etat français affiche un air de componction ou fasse acte de contrition pour les crimes réels ou supposés dont on l’accable ? Les deux nations gagneraient à fermer, mais pas oublier, cette pagesanglante de leur histoire pour mieux aborder les défis communs qui se posent à elles. (…)
Tôt ou tard, conclut L’Observateur, on finira par revisiter ce passé avec moins de passion et d’animosité lorsque cette vieille garde politique aura cédé les commandes du pouvoir à la génération Playstation, dont la mémoire vive est calée sur les questions qui rapprochent les communautés plutôt que sur celles qui les distendent. »