A lire dans la presse africaine ce mercredi : de nombreuses réactions après la condamnation de l'ancien chef de milice congolais Thomas Lubanga. C'est le premier « trophée » de la Cour pénale internationale. Quatorze ans de prison ferme, « une peine relativement clémente, au regard de toutes les atrocités dont le personnage avait été accusé », pense GuinéeConakryInfo. Un avis, semble-t-il, partagé par le journal ivoirien L'Intelligent qui titre « Lubanga prend seulement quatorze ans » et par L'Observateur , pour qui l'ancien chef rebelle « s'en sort plutôt bien ». « Deux septennats pour Lubanga », c'est le titre choisi par le journal burkinabé. Il rappelle que cette condamnation intervient quelques semaines après celle de Charles Taylor, et avant le procès de Laurent Gbagbo.
« Tous ceux qui font peu cas de la démocratie et des droits de l’homme ont donc du souci à se faire », note L'Observateur. GuinéeConakryInfo n'y croit pas vraiment: « C’est là une prière qui a très peu de chance de se voir exaucée ». Déjà, dans l’affaire Lubanga, « c'est comme si les juges s’étaient davantage préoccupés d’aboutir à cette première condamnation, que de poursuivre l’ensemble des éventuels responsables des crimes [en RDC] ». Preuve en est, avance le journal en ligne, « qu’à quelques années d’intervalles, ce sont les mêmes atrocités qui sont perpétrées aujourd’hui dans l’est de la RDC ».
Une justice à deux vitesses ?
La presse regrette aussi que la CPI « s'intéresse un peu trop aux Africains ». Pour L'Observateur au Burkina Faso, cette condamnation « est une nouvelle preuve de la focalisation de la Haye sur les Africains. (...) La justice internationale est à deux vitesses, et, selon qu’on est puissant ou misérable, selon qu’on bénéficie du bouclier d’un État fort, membre du Conseil de sécurité de l’ONU ou pas, on passe [ou non] sous les fourches caudines du judiciaire ». Même chose sur blog de Bark Biiga , pour qui « cette juridiction semble s'intéresser un peu trop aux cas africains considérés à tort ou à raison comme les plus faciles ». GuinéeConakryInfo note de son côté la lenteur de la CPI : « en une dizaine d’années d’existence effective, elle n’a prononcé sa première sanction [qu'hier mardi] ! C’est très [peu], trop peu pour un matraquage médiatico-politique aussi agressif». Le tout sans que le bilan soit « particulièrement élogieux ».
Kinshasa accuse Kigali dans Jeune Afrique
Les journaux africains reviennent aussi sur l'avancée des mutins du Mouvement du 23 mars, M23, dans le Nord-Kivu. A lire, d'abord cette interview de Raymond Tshibanda, le ministre congolais des Affaires étrangères, sur Jeuneafrique.com . Le ministre y accuse Kigali : « Les faits sont là. Il y a des preuves de l'implication de certaines personnalités rwandaises dans les événements qui se déroulent dans l'est de notre pays ». Kinshasa se défend de vouloir « exacerber un sentiment nationaliste » et ne demande pas l'appui de la mission de l'ONU.
Mais pour Le Phare , à Kinshasa, il va être difficile de mobiliser les « masses populaires », tant « il a longtemps été refusé au peuple congolais le droit à la bonne information sur les tenants et les aboutissants de cette guerre du Nord-Kivu ». De son côté, Le Pays à Ouagadougou, se demande si l'histoire ne se répète pas, alors que « les villes tombent les unes après les autres ». Il rappelle que l'avancée des troupes rebelles de Laurent Désiré Kabila avait contraint le Maréchal Mobutu à « prendre la poudre d’escampette ». Ce qui arrive en RDC « n'est pas vraiment étonnant », estime Le Pays pour qui Joseph Kabila « n'a pas fait grand chose pour ramener la cohésion (...) dans son pays ».
Le sommet du « marketing politique »
Mais « ce regain de tensions, poursuit le journal, peut [aussi] trouver une justification dans l’agenda international ». Le journal fait cette fois référence au Sommet de la Francophonie, qui doit se tenir à Kinshasa en octobre. « C’est une occasion de marketing politique, selon Le Pays. Kabila espère par là attirer des invités de marque et soigner son image (...). Ses adversaires, (...) veulent [aussi] profiter de ce moment pour faire entendre leur voix et gâcher autant que faire se peut la fête ». « Si le temps se gâtait », l'organisation du sommet pourrait être retirée à Kinshasa, d'autant plus que la tenue de ce rendez-vous en RDC est critiqué par les organisations de défense des Droits de l'Homme...
François Hollande ira-t-il à Kinshasa ?
Le débat revient justement dans l'actualité après l'expulsion de RDC, de Thierry Michel, le cinéaste belge, réalisateur du film L'Affaire Chebeya, un crime d’État. Pour le quotidien La Tempête des Tropiques, c'est « l'image [du pays qui est] à nouveau ternie ». L'Observateur, toujours en RDC, voit dans cette expulsion « une maladresse », qui tombe mal. « Est-il sage de poser un tel acte que la ministre belge qualifie d'atteinte à la liberté d'expression en RDC ? » s'interroge le journal. La presse se demande si cet évènement ne sera pas pris pour prétexte pour délocaliser le sommet de la Francophonie. Si ce n'est pas le cas, faut-il ou non que François Hollande y assiste ? La Tempête des Tropiques cite Alain Délétroz, vice-président (Europe) de l’International Crisis Group, qui estime que le président français « serait bien inspiré de ne pas offrir au président, Joseph Kabila, une telle occasion de s’afficher réconcilié avec les démocraties ».