A la Une : une présidentielle sous contrôle militaire en Egypte

Mohamed Morsi, le candidat des Frères musulmans, a donc été officiellement élu hier avec près de 52% des voix. Pour autant, relève le site égyptien Al Ahram, c’est « un président aux pouvoirs limités » qui prend la succession de Nasser, Sadate et Moubarak à la tête du pays le plus peuplé du monde arabe.

En effet, précise Al Ahram, « d’un dictateur accumulant presque toutes les prérogatives, le président égyptien qui devra succéder à Moubarak à la fin du mois risque de se limiter aux fonctions honorifiques. Les Egyptiens, qui se sont rendus aux urnes samedi et dimanche derniers dans l’espoir d’élire un nouveau chef d’Etat 16 mois après la révolution, se retrouvent toujours dans une transition sans fin, dirigée par les militaires. »

L’armée a effectivement verrouillé le pouvoir… En fait, constate Al Ahram, en vertu d’une Déclaration constitutionnelle complémentaire adoptée par les militaires, « le président n’aura comme seule prérogative que de nommer un gouvernement dont chaque loi devra être validée par les militaires. (…) Il ne sera plus chef suprême des forces armées, à l’instar de ses prédécesseurs. (…)

Les militaires conservent aussi le contrôle du budget, fixent 'la politique générale du pays' et s’approprient le monopole de former une nouvelle constituante pour la rédaction de la future Constitution avec un veto sur tout article qu’ils estimeraient 'contraire aux intérêts suprêmes du pays', pour protéger entre autres leurs intérêts économiques. »

Bref, constate le site d’information égyptien, « un coup d’Etat militaire. Comme s’il n’y avait pas eu de révolution. De quoi faire redouter une tension plus accrue. Les forces politiques, à leur tête les Frères musulmans, ont d’ores et déjà annoncé qu’elles rejetaient ce texte adopté par les militaires et ont appelé à un rassemblement massif demain mardi sur la place Tahrir pour réclamer la remise du pouvoir au prochain président. »

Drôle de démocratie !

« Morsi gagne mais l’armée ne perd pas », constate Fasozine. Et pour le site d’information burkinabé, « le plus dur est à venir, dans ce pays où les militaires ont perdu le pouvoir sans l’avoir jamais quitté. L’énigme de l’équation démocratique égyptienne est justement cette Armée qui n’entend point lâcher les premiers rôles, notamment dans l’élaboration de la future constitution du pays. Pour les cadres de l'Armée, le seul moyen de protéger leurs intérêts économiques, c'est de garder la main sur le jeu politique. (…)

En attendant la nouvelle Loi fondamentale, l’Egypte va devoir faire l’expérience paradoxale et anachronique, affirme Fasozine, d’une cohabitation entre un président démocratiquement élu et un Conseil supérieur militaire usurpateur du pouvoir législatif. »

« Drôle de démocratie, renchérit L’Observateur, toujours au Burkina, où l’essentiel des pouvoirs ne serait pas détenu par le pouvoir civil, auquel devrait pourtant se soumettre le pouvoir militaire ! »

Finalement, « c’est un marché conclu entre l’armée et les Frères musulmans, disent de l’issue de la présidentielle certains Egyptiens, relève le quotidien burkinabé, cela, parce que 'l’armée a peur que le pays s’engage dans la violence', expliquent d’autres. En tout cas, en privé, affirme encore L’Observateur, des sources proches de la confrérie ont indiqué qu’islamistes et militaires discutaient pour résorber les tensions.

Ce n’est que tant mieux ! », s’exclame le journal. « N’a-t-on pas encore dans les mémoires la terrible guerre civile aux atrocités inimaginables qui a eu lieu en Algérie parce que l’armée a confisqué le pouvoir au Front islamique du salut ? C’est sans doute une telle situation que l’armée égyptienne vient d’éviter sur les bords du Nil. »

L’armée nous le dira…

Discussions ou pas, entente ou pas, entre les Frères musulmans et l’armée, ce qui est sûr, relève le site Slate Afrique , c’est que « les Égyptiens ont élu un président sans savoir les pouvoirs qu’il aura. L’armée nous le dira ! (…) L’armée qui n’est pas prête à laisser des islamistes au pouvoir si ses privilèges ne sont pas sanctuarisés. »

Et pourtant, rappelle La Nouvelle République en Algérie, « conscient de la nécessité de rassurer ses adversaires politiques et idéologiques, Mohamed Morsi s’était montré très conciliant à maintes reprises, acceptant même de signer une espèce de contrat moral selon lequel il ne toucherait pas, une fois élu Président, au statut de 'société civile' de l’Egypte. Morsi qui était également prêt à nommer un gouvernement de cohabitation avec une composante diversifiée émanant de toutes les sensibilités politiques.

Malgré ces engagements, Mohamed Morsi aura à gérer une crise qui s’annonce déjà difficile, reconnait La Nouvelle République, à savoir celle qui prévaudra avec l’armée égyptienne qui a, à la veille de la présidentielle, dissous le Parlement, et accaparé le pouvoir législatif. »

Et le quotidien algérien de s’interroger : « quelle suite l’armée donnera-t-elle à son statut de législateur d’exception après que la présidentielle a fini sur une victoire des Frères musulmans, sachant que de nouvelles élections législatives pourraient déboucher sur une nouvelle majorité islamiste ? La question vaut son pesant de voix. »

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