A la Une : 50 ans de prison pour Charles Taylor

Et ce n’est que justice… C’est le point de vue de l’ensemble de la presse du continent ce jeudi. Car, « la liste des crimes est longue », rappelle La Nouvelle Tribune au Bénin : « le phénomène de manche courte ou manche longue qui consistait à couper les bras ou les pieds aux populations, les viols, les crimes crapuleux, les diamants du sang  orchestrés sans être inquiété par cet ancien tyran, sans oublier le nombre d’enfants enrôlés et drogués dans le carnage sierra-léonais de 1989 et 2003. Tout cela est encore vivace dans les mémoires. »

Et pour La Nouvelle Tribune, « le jugement du méchant n’est pas une  affaire de couleur. Le débat selon lequel la Cour pénale internationale a été créée pour ne juger que les chefs d’Etats Africains est dépassé. Cette sentence sonne comme un avertissement aux tyrans africains et pour ceux du monde. Les regards sont désormais tournés vers l’ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo, le soudanais Omar el-Béchir et les autres non encore épinglés. »

Justice à géométrie variable ?

« Cueilli en 2006 au Nigeria et transféré à la Haye, Charles Taylor est le premier président dont le procès a abouti », relève pour sa part Le Pays au Burkina. « Certes, il y a eu des chefs d’Etat de l’Europe de l’Est qui sont tombés dans les mailles de la justice internationale mais aucun procès n’est arrivé à terme. Le cas le plus emblématique est celui de l’ancien président de l’ex-Yougoslavie, Slobodan Milosevic (…) qui a passé l’arme à gauche en 2006 avant la fin de son procès ». « Il est donc clair », poursuit Le Pays, « que certains verront cette condamnation de Charles Taylor comme un acharnement contre les présidents africains. Ce, d’autant plus que l’ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo, se trouve aussi dans les starting-blocks d’un procès ». « Mais en fait », tempère le quotidien burkinabé, « comme on le dit, il n’y a que le voleur et l’assassin qui ont peur de la justice. Si ceux qui pensent que la CPI pratique une justice à géométrie variable n’ont rien à se reprocher, qu’ils la laissent faire son travail. Car elle ne s’acharne que contre ceux qui ont commis des crimes. C’est vrai que 50 ans de prison, c’est un véritable coup de massue pour l’ancien président Charles Taylor », conclut Le Pays. « Mais ce n’est que justice. »
« Justice vient d’être rendue », renchérit L’Observateur toujours au Burkina, « aux milliers de victimes (mortes ou handicapées à vie) de cette atroce guerre civile. Et si les choses devaient en rester là, Taylor qui a aujourd’hui 64 ans, si Dieu lui prête longue vie, sortira de prison à l’âge de 114 ans. Autant dire qu’il est condamné à perpétuité. Une condamnation à saluer car elle a valeur de dédommagement moral pour les victimes sierra léonaises et sert d’avertissement, relève le quotidien burkinabé, pour tous les satrapes au pouvoir qui savent désormais à quoi s’en tenir. En somme, c’est le glas de l’impunité qui sonne pour les potentats de tout poil en les invitant au respect scrupuleux des droits sacrés de leurs concitoyens, c’est-à-dire la vie.
(…) La crainte de la condamnation pénale internationale, espérons-le, devrait planer comme une épée de Damoclès sur la tête de nos gouvernants et les inciter à pratiquer la bonne gouvernance au sens le plus noble du terme. »

Et les autres ?

Un bémol toutefois pour le site d’information Guinée Conakry Infos : « il n’est évidemment pas question d’éprouver une quelconque compassion pour l’homme. Pour les horribles crimes qui sont les siens et, au-delà de tous les arguments avancés par les juges du Tribunal spécial pour la Sierra Léone, Taylor a amplement mérité la sentence ». « Mais à plusieurs égards », estime Guinée Conakry Infos, « ce procès est loin d’être parfait. Parce que non seulement tous les auteurs des crimes commis en Sierra Léone n’ont pas été sanctionnés, mais il y aura toujours des victimes pour lesquelles justice ne sera jamais rendue. Ce verdict, aussi exemplaire qu’il soit, n’est que la face visible de l’iceberg. Parce qu’en Sierra Léone même, les juges eux-mêmes l’ont reconnu, Charles Taylor a été plutôt un complice des crimes. Les véritables auteurs, ceux là qui avaient, de leurs mains, tenu les machettes et coupé mains et pieds, n’ont jamais été jugés ».
« C’est ainsi », rappelle Guinée Conakry Infos, « que (les chefs de guerre sierra-léonais) Mosquito et Fodé Sankoh n’auront pas été inquiétés de leur vivant. Or, on ne pourra pas invoquer le fait qu’ils ne soient plus de ce monde, pour justifier que certains de leurs proches n’aient pas encore fait l’objet de poursuites. Par ailleurs, relève le site guinéen, de l’autre côté de la frontière, des milliers de Libériens se disent qu’à leur égard, la justice internationale n’a rien fait de logique. Parce que ce sont eux qui ont été les plus affectés par l’attitude sanguinaire de Taylor. Mais, impuissants, ils réalisent aujourd’hui que ce dernier n’est condamné que pour des actes commis à l’encontre des Sierra Léonais ! Pour eux, il n’y a rien de juste dans ce deux poids deux mesures. »

 

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