Comment échapper à la mainmise de la Chine sur les terres rares, alors que Pékin souhaiterait que toute la filière s'implante sur son sol ? Les spécialistes de la transformation de ces métaux stratégiques, comme le français Rhodia, ont déjà commencé à prendre le large, en investissant dans des projets d'extraction sous d'autres cieux que ceux de la Chine : en Australie, aux Etats-Unis.
Mais dans la plupart des nouveaux gisements, il s'agit de terres rares légères, les plus répandues à la surface du globe. Jusqu'à présent, aucun gisement hors de Chine ne fournissait de terres rares lourdes (europium, dysprosium, terbium), les plus chères. D'où l'intérêt porté à la péninsule d'Ampasindava, au nord-ouest de Madagascar, qui possède des sols comparables aux terres argileuses du sud de la Chine. La petite compagnie allemande Tantalus a prouvé l'an dernier la présence d'oxydes de terres rares lourdes dans cette région.
La Chine s'y est intéressée la première, pour asseoir davantage encore son monopole, mais le protocole d'accord chinois avec Tantalus est resté lettre morte. C'est donc au tour de Rhodia de signer une lettre d'intention avec la petite compagnie minière allemande. Le groupe français apporte son financement mais devra aussi mettre au point le procédé d'extraction, à base d'acide sulfurique, pour transformer le minerai en concentré, qui lui-même sera envoyé dans les usines de séparation et de purification des terres rares de Rhodia en France, aux Etats-Unis ou au Japon.
Le groupe français produit en particulier les poudres qui recouvrent les verres des lampes à basses consommation et qui réchauffent leur lumière. La demande, déjà importante dans les lampes fluo-compactes va exploser lorsque les lampes LED vont s'imposer partout, des automobiles à l'éclairage public, explique Christian Hocquard du BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et minières). Rhodia, qui prévoit une mise en route en 2014, diversifie ainsi son approvisionnement en terres rares lourdes, qui rapporteront, avec une production estimée à 15 000 tonnes par an, jusqu'à 500 millions de dollars par an à Madagascar. Un revenu toutefois bien modeste comparé à ce que la Grande Ile compte tirer du nickel, lorsque le gisement d'Ambatori entrera enfin en production.