Hier, lundi 26 mars 2012, la compagnie pétrolière italienne Eni venait à peine d'annoncer l'existence d'un nouveau gisement géant par 1 900 mètres de fond, à 50 km des côtes de la province de Cabo Delgado, au Mozambique, que la société pétrolière britannique BG Group révélait sa propre découverte au large du pays voisin, la Tanzanie. Le bassin offshore de Rovuma qui s'étend dans les eaux territoriales des deux pays semble receler encore plus de gaz qu'on ne l'imaginait. Des ressources - c'est-à-dire pas forcément les quantités récupérables - qui se monteraient à ce jour, pour les deux pays, à 1 500 milliards de m3 ; soit la moitié des ressources de gaz non conventionnel de l'Australie.
Jusqu'à présent le gaz offshore est-africain n'était pas considéré comme rentable. Le gaz en eau très profonde demande une technologie et des infrastructures encore plus coûteuses que le pétrole. Il ne suffit pas d'extraire du brut d'une plateforme, et de remplir en mer la soute d'un tanker : il faut construire des conduites sous-marines qui mèneront le gaz jusqu'à la côte, où le gaz sera ensuite liquéfié pour être enfin chargé à bord des navires gaziers, les méthaniers.
Car c'est de cela qu'il s'agit, explique Armelle Le Carpentier, expert chez Cedigaz : créer en Afrique orientale un terminal majeur d'exportation de gaz naturel liquéfié vers l'Asie. «Le» marché d'avenir pour le GNL, puisque la demande de la Chine, de l'Inde et du Japon devrait croître tous les ans de 5% dans les vingt ans qui viennent. Les prix du gaz destiné à l'Asie sont les plus élevés au monde, des revenus potentiels d'exportation majeurs pour le Mozambique et la Tanzanie, mis de fait en position de rivaux pour accueillir les futures installations de liquéfaction du gaz.
Au Mozambique, l'italien Eni s'est dit prêt à investir jusqu'à 10 milliards de dollars, il est en concurrence avec une compagnie américaine, Anadarco. En Tanzanie, le britannique BG Group a son propre projet. Mais l'entrée en lice des autres majors pourrait changer la donne : après le norvégien Statoil et l'anglo-néerlandais Shell, le français Total et le britannique BP manifestent à leur tour leur intérêt pour le gaz africain, dont BP a estimé qu'il contribuerait pour moitié à la croissance de la production de GNL dans les huit ans qui viennent.