Avec son grand rassemblement hier place de la Bastille, le leader du Front de gauche a en effet donné un coup de fouet à une campagne qui se limitait jusqu’à présent essentiellement à un face-à-face Sarkozy-Hollande. Un coup de fouet qui fait la Une ce lundi…
« En marche ! », claironne L’Humanité. « Mélenchon se fait sa place », ironise Libération. « Mélenchon fait le plein à la Bastille », s’exclame Le Parisien.
« Quand Mélenchon prend la Bastille », renchérit Le Télégramme. « Mélenchon bouscule Hollande sur sa gauche », constate Le Figaro.
Alors, L’Humanité se prend à espérer un prochain grand soir : « le peuple commence à prendre le pouvoir… Le Front de gauche n’est plus la seule addition de ses partis fondateurs, affirme le quotidien communiste. Il n’est plus un noyau entouré d’un halo de sympathie. Il est devenu un mouvement populaire. Les sondages qui grimpent en faveur de Jean-Luc Mélenchon n’ont pas atteint leur sommet. Chaque point gagné, affirme encore L’Humanité, pousse Nicolas Sarkozy vers la reconversion professionnelle qu’il a annoncée, déjoue l’opération qui entendait livrer les couches populaires à Marine Le Pen et exige de François Hollande qu’il entende les revendications populaires, dès aujourd’hui et pour demain ».
Insurrection civique ?
« Ce n’est pas (encore) la révolution, constate Sud Ouest, mais c’est déjà une révolte que traduit cette ascension de Jean-Luc Mélenchon. Révolte d’une grande partie de la population face aux inégalités croissantes, face aux plans d’austérité et aux plans sociaux. Révolte face aux dérives du capitalisme financier, qui ont provoqué une crise sans précédent dont les responsables n’ont tiré aucune leçon. Révolte, pour l’heure pacifique, dont Nicolas Sarkozy comme François Hollande feraient bien de tenir le plus grand compte ».
En fait, estime Le Progrès, « la mobilisation réussie derrière un Jean-Luc Mélenchon étreint par l’émotion et galvanisé au sondage à deux chiffres, fait écho au succès d’édition du livret Indignez-vous de Stéphane Hessel. Cette insurrection civique se nourrit de la crise, des mesures d’austérité du moment et puise ses racines dans le non à la Constitution européenne de 2005 que nos dirigeants ont contourné par des traités alambiqués pour remettre l’Europe sur son rail libéral. Ce cri du peuple monte pour dénoncer les inégalités qui à force de se creuser sont devenues des injustices. Mélenchon fédère cette indignation et la gauche de la gauche ».
Convainquant ?
Libération tempère ce bel enthousiasme : « Jean-Luc Mélenchon a réussi son pari en rassemblant hier, à Paris, beaucoup plus de monde que prévu ». Toutefois, relève le journal, il « n’a en tout cas pas profité de sa tribune géante pour convaincre qu’il disposait d’un programme contre la crise. Aura-t-il convaincu ceux que le manque d’audace de Hollande désespère ? Ou, au contraire, conforté ceux qui restent sensibles aux sirènes du vote utile ? », s’interroge Libération. « De la réponse dépendra la poursuite de la dynamique Mélenchon ».
De son côté, Le Figaro se félicite de ce duel gauche-gauche, de ce duel entre « le fou et le flou », estime le journal. « A gauche, celui qui monte, c’est Jean-Luc Mélenchon, celui qui s’effrite, c’est François Hollande. Jean-Luc Mélenchon n’est pas Georges Marchais, relève encore Le Figaro, mais il faut bien lui reconnaître un grand talent dans l’outrance. Il sait être tout à la fois Maximilien Robespierre, Lénine, Mao Tsé-toung et Hugo Chavez. Bref, il a des références, assez folles, sans doute, mais il en a. Face à lui, il y a François Hollande, dont chacun a reconnu, et surtout à gauche, que sa vision générale des choses est un peu floue… »
C’est vrai, reconnait Le Républicain Lorrain, « le solitaire portant le bruit et la fureur, le tumulte et le fracas est devenu la petite bête qui monte, qui monte. Au point, avec ses 11% d’intentions de vote, de donner des angoisses aux socialistes dont le champion est autant fragilisé par le durcissement de la campagne de Nicolas Sarkozy que par l’ascension de Jean-Luc Mélenchon ».
Une réserve de voix pour Hollande ?
Pour autant, d’autres quotidiens estiment que François Hollande n’a pas à s’inquiéter, du moins pour son proche avenir… « Jean-Luc Mélenchon, l’enfant perdu du PS, a donc réussi son double pari, constate Le Midi Libre : faire revivre le PC, en se servant de son organisation militante ; aimanter les voix de la gauche radicale, privée de leader charismatique. Malgré tout, tempère le quotidien sudiste, François Hollande n’a pas à avoir peur du Mélenshow. Sûr de ne pas être éliminé, le candidat socialiste peut applaudir à ce succès. Mélenchon, c’est sa pelote de voix pour le second tour ».
En effet, précise La République des Pyrénées, « le trublion n’est pas en mesure de faire chanceler le candidat socialiste… La messe est dite : les voix qu’il aura recueillies au premier tour au nom du Front de gauche ne feront pas défaut au candidat socialiste, au point de constituer pour celui-ci un réservoir attendu. Mais pour Jean-Luc Mélenchon les objectifs se situent après la présidentielle, estime le quotidien béarnais. Si Hollande gagne, Mélenchon exigera pour lui et ses amis communistes des places au gouvernement, en même temps que la possibilité de constituer un groupe à l’Assemblée nationale ».