A la Une : le président des riches et le président des pauvres

D’un côté, Nicolas Sarkozy, l’homme du Fouquet’s, de l’autre, François Hollande, l’homme qui veut taxer les riches à 75 %… Les esprits s’échauffent ce matin dans les journaux.

« Fiscalité : Hollande joue la surenchère », s’exclame Le Figaro. « La guerre contre "les riches" est déclarée », lance le journal. « En promettant de sortir la Grosse Bertha fiscale, François Hollande leurre les Français. D’abord parce que chacun a bien compris que le candidat PS a voulu répondre à Nicolas Sarkozy, qui propose l’interdiction des parachutes dorés et des retraites-chapeau. Ensuite, poursuit Le Figaro, il joue la surenchère parce que la gauche de la gauche l’exige et il confirme ainsi le sentiment d’improvisation que dégage son projet ». De plus, affirme Le Figaro, « la mesure Hollande rapporterait quelques dizaines de millions d’euros seulement. (…) Surtout, elle pourrait in fine coûter de l’argent au budget de l’État si d’aventure les personnes concernées choisissaient l’exil et ne payaient donc plus un centime d’impôts directs ou indirects en France. »

Les Echos emboîtent le pas au Figaro : « la France pourrait devenir le pays qui taxe le plus les riches », s’étrangle le quotidien économique en Une. « S’il est légitime d’utiliser la fiscalité pour limiter les revenus, il n’est pas admissible de s’en servir pour les confisquer, s’exclame le quotidien économique. Or, en ajoutant à ces 75 % d’impôt voulus par François Hollande, les prélèvements sociaux et locaux, puis l’imposition sur le patrimoine, c’est ni plus ni moins une spoliation, affirment Les Echos, qui attend quelques centaines, voire quelques milliers de riches Français, dirigeants ou créateurs d’entreprise. Voilà qui serait sans précédent ni équivalent. »

Pas tout à fait, rétorque La Croix… « Le taux de 75 % peut paraître considérable. Il faut savoir qu’historiquement, il n’est pas sans précédent, nous rappelle le quotidien catholique. Après son arrivée à la présidence des Etats-Unis en 1932, Franklin Roosevelt, - qui n’avait rien d’un tenant de la lutte des classes - a rehaussé plusieurs fois le taux marginal de l’impôt sur le revenu jusqu’à atteindre 90% afin de faire face aux conséquences budgétaires de la grande dépression, puis de la Seconde Guerre mondiale. » Et ce taux n’a baissé aux Etats-Unis qu’à partir des années 1980.

Bien joué François ?

En tout cas, précédent ou pas, c’est un joli coup politique pour François Hollande, estiment de nombreux journaux ce matin… A commencer, sans surprise par Libération. « La taxe Fouquet’s », lance le journal en Une. « Avec son impôt Fouquet’s, commente Libération, le candidat socialiste cherche plus à enfermer son principal adversaire dans le corner du président des riches qu’à faire entrer des recettes dans les caisses du Trésor public. Il est amusant de voir comment les amis du chef de l’Etat ont plongé à pieds joints dans le piège hollandais en criant hier au retour de Karl Marx ! », ironise Libération.

« Ah, le beau coup politique que voilà ! », renchérit L’Est Républicain. « Avec son idée de taxer à 75 % les super-riches, François Hollande a repris la main. Le voici bien campé à gauche, assumant une fiscalité confiscatoire sur les "revenus extravagants". (…) Le voici bien positionné face à son adversaire, empêtré depuis le péché originel du bouclier fiscal dans cette image de président des fortunés, habitués du Fouquet’s. Bref, le voici au centre du jeu, un temps maître de l’agenda ».

« La surprise du chef ! », s’exclame Paris-Normandie. « Avec son impôt à 75 %, François Hollande a réussi à faire hurler la droite contre la “spoliation” des plus aisés. Un cri d’orfraie, qui pourrait peut-être la desservir en ces temps de crise, auprès d’un électorat populaire qui ne plaindra pas forcément les quelques milliers de personnes concernées. Réponse… dans le prochain sondage ».

Réformer l’impôt sur le revenu ?

Toujours est-il que ce coup du candidat socialiste relance un vieux débat politico-économique… Celui de l’imposition en France. « Qui doit payer le plus ? », s’interroge Le Parisien. « Outil de redistribution des richesses par excellence, l’impôt sur le revenu l’est en réalité de moins en moins. C’est un fait, les riches contribuables font proportionnellement moins d’efforts que les classes moyennes. Le monde à l’envers », s’exclame le journal.

Et on revient à La Croix pour qui « face aux difficultés budgétaires et économiques que traversent notre pays, il paraît pour le moins normal de demander un effort exceptionnel à ceux qui touchent des revenus exceptionnels. Encore faut-il penser aussi, souligne La Croix, à ce que l’on appelle le consentement de l’impôt. (…) L’impôt ne doit pas être punitif, comme le laisse souvent penser la gauche. Il doit être constructif. »

Enfin, cette remarque du Canard Enchaîné : « les agriculteurs pauvres ou les ouvriers menacés se retrouvent, par les temps qui courent, plus choyés que les patrons du CAC 40, admonestés par le “candidat du peuple” et menacés par Hollande d’être surtaxés à 75 %. Paysans, prolétaires, profitez-en, lance Le Canard, ça ne dure pas plus de deux mois et ça n’arrive que tous les cinq ans ».

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