Comme s'ils s'étaient donné le mot, le Français Total et le Chinois Sinopec ont choisi le même jour, mardi 3 janvier dernier, pour annoncer qu'ils investissaient chacun quelque 2 milliards et demi de dollars dans les gisements de gaz de schiste aux Etats-Unis. Total s'associe de nouveau à l'Américain Chesapeake, mais aussi à EnerVest, cette fois dans l'Ohio. Le Français détiendra un quart des 13 puits déjà exploités et son investissement permettra d'accélérer le rythme des forages : 25 nouveaux puits dans les deux ans qui viennent. De son côté Sinopec acquiert un tiers des avoirs de Devon Energy dans l'Oklahoma, la compagnie chinoise financera 80 % des nouveaux puits qui s'étendront dans tout l'arc appalachien, de l'Ohio à l'Alabama.
Pour les géants Total et Sinopec, c'est une façon d'acquérir in situ, auprès des petites entreprises pionnières américaines, les dernières techniques en matière de fracturation hydraulique. Car la compagnie française s'est vu interdire cette méthode d'extraction en France, or elle ne veut pas être en reste pour dominer cette ressource, au bout du compte moins chère à exploiter que le pétrole et le gaz de l'offshore profond, alors que les réserves d'hydrocarbures conventionnels diminuent. La fracturation a certes été suspendue par précaution dans une autre région de l'Ohio, suite à une série de séismes, sans qu'un lien ait été établi, mais cette technique n'est en rien remise en cause aux Etats-Unis. Les gisements de gaz de schiste acquis par Total aux Etats-Unis sont en outre riches en condensats, c'est-à-dire en pétrole léger ; c'est tout bénéfice à l'heure du pétrole cher. Quant à la Chine, elle pourra mettre à profit cette expérience pour développer ses propres réserves de gaz de schiste, qui sont gigantesques. Le gouvernement de Pékin s'est fixé en 2020 un objectif de 80 milliards de m3 de gaz de schiste, un quart de la production actuelle de la Russie, le champion mondial du gaz. Mercredi 4 janvier 2012, le gouvernement chinois vient même de déclarer le gaz de schiste ressource naturelle autonome, pour permettre aux petites entreprises chinoises innovantes d'investir dans cette méthode d'extraction. Des appels d'offres devraient être lancés prochainement, ils seront réservés aux entreprises chinoises, qui pourront néanmoins s'associer à des compagnies étrangères.