Si on fait l'addition des subventions américaines à l'industrie de l'éthanol depuis leur création en 1978, elles auront coûté 20 milliards de dollars aux contribuables, 6 milliards de dollars rien qu'en 2011. Les aides prenaient la forme de crédit d'impôt aux fabricants de biocarburant mais aussi de tarifs douaniers qui protégeaient l'éthanol américain - fabriqué à base de maïs -, d'une concurrence trop brutale de l'éthanol brésilien - produit à base de canne à sucre.
Tous ces avantages viennent de disparaître le week-end dernier, résultat d'une alliance inédite entre les défenseurs de la rigueur budgétaire et les écologistes, au Congrès, pour voter leur suppression. Le biocarburant à base de maïs avait de moins en moins bonne réputation. Accusé de faire flamber les prix de la céréale, il avait dressé contre lui l'industrie agro-alimentaire et le lobby de l'élevage, qui voyaient le prix des aliments du bétail s'envoler. L'argument environnemental, à savoir les moindres émissions de CO2 produites à fabriquer du bioéthanol plutôt que des carburants fossiles, comme le pétrole, mincissait lui aussi à vue d’œil ; l'Académie des sciences américaine avait conclu que l'éthanol de maïs était par exemple moins vertueux que l'éthanol de canne à sucre, ce qui avait poussé la Californie à importer de l'éthanol du Brésil, réputé plus «vert», et les États-Unis à exporter leur éthanol de maïs au Brésil parce qu'il en manquait. Une aberration écologique, si l'on considère le bilan carbone ! Même l'argument de l'indépendance énergétique avait perdu de sa force depuis que les États-Unis produisent du pétrole et du gaz de schiste en pagaille.
Pourtant, les fabricants américains de bioéthanol ont conservé le principal de leurs acquis : l'augmentation du taux d'incorporation dans les carburants des véhicules, qui est passé à 10%. C'est pourquoi l'industrie de l'éthanol, mais aussi les producteurs de maïs de la Corn Belt gardent tout leur flegme face à la disparition brutale des subventions : même si les importations d'éthanol brésilien progressent en 2012, la production américaine d'éthanol sera égale sinon supérieure à celle de 2011 : près de 55 milliard de litres.