L'embargo a été décidé par 24 producteurs d'étain indonésiens, réunis sous l'égide du gouverneur de Bangka, l'île au large de Sumatra d'où part la majorité de l'étain raffiné. L'initiative est bien sûr soutenue par les autorités de Djakarta, actionnaires des deux principaux producteurs d'étain du pays, Timah et Kobah.
L'étain est une ressource très importante pour l'Indonésie, premier exportateur au monde de ce métal utilisé dans les emballages mais surtout et de plus en plus dans les soudures des circuits électroniques. Alors la chute de 30 % des prix depuis le pic du mois d'avril affecte particulièrement les recettes du pays. De 33 000 dollars, le cours de la tonne d'étain raffiné est passé à 20 000 dollars en début de semaine dernière à la bourse de Londres.
Une dégringolade qui a touché tous les métaux avec la crise financière, alors que la situation réelle du marché physique de l'étain plaiderait plutôt pour un maintien des cours à un niveau élevé : les gisements indonésiens s'appauvrissent, Djakarta a fermé nombre de mines illégales, de graves inondations ont perturbé la production depuis un an. Il y a donc déjà un déficit mondial d'étain raffiné estimé à 15 000 tonnes. Pour ne rien arranger à la pénurie, les délais de livraison depuis les entrepôts malaisiens de la bourse des métaux londonienne, sont devenus interminables.
Cette situation de tension, encore accrue par l'embargo indonésien, a toutes les chances de faire remonter les prix sur le marché physique, sauf si la demande mondiale se met à ralentir du fait de la crise. Sur le marché à terme de Londres, les cours se sont déjà légèrement repris à 21 400 dollars la tonne en fin de semaine dernière. Les producteurs indonésiens voudraient qu'ils remontent au moins à 25 000 dollars. Leur pari a des chances de réussir à court terme : l'Indonésie, c'est tout de même un tiers des exportations mondiales. Mais les producteurs d'étain raffiné, surtout ceux qui ne possèdent pas les gisements, ne pourront pas tenir indéfiniment estime un courtier en métaux. A long terme, ajoute-t-il, il est très peu probable que la bourse de Londres, outil de couverture habituel pour les acheteurs d'étain, soit délaissée pour un nouveau marché de l'étain à Djakarta, comme souhaitent le créer les autorités indonésiennes. Un accès de nostalgie, peut-être, du cartel de l'étain, disparu il y a 25 ans.