Il ne se passe pas un jour à Ciudad Juarez sans que ne résonne le bruit des kalachnikovs. Il y a eu 3 000 assassinats en 2010 et plus de 8 500 en 4 ans. La vie à Ciudad Juarez est associée à la mort depuis que le cartel de la drogue du Sinaloa a décidé de reprendre la ville au cartel de Vicente Carillo.
Une guerre très impressionnante, car les cartels s’affrontent avec des armes de guerre et des grenades, souvent en plein jour et au milieu de la ville. Mais la population craint davantage les mafias qui, faute d’une police efficace, se sont emparées de Ciudad Juarez. Elles ont la main haute sur tous les trafics, séquestrations, homicides, vols, rackets, extorsions, piraterie, contrebande, prostitution et beaucoup d’autres délits.
Apprendre à vivre avec la peur
93 % des habitants ne se sentent pas en sécurité, à tel point que la population réclame une intervention des casques bleus de l’ONU pour mettre fin à la violence. Tous les quartiers sont la cible des bandits, la peur est omniprésente et les habitants s’organisent comme ils peuvent.
Les quartiers les moins pauvres se barricadent derrière des grilles et les enfants ne jouent plus dans la rue. Pour éviter que les étudiants ne rentrent à la nuit, les universités terminent leurs cours à 19h et proposent des UV sur internet.
Pour empêcher les extorsions, les commerçants effacent de leurs façades, raison sociale et numéros de téléphone. On s’envoie un texto avant d’appeler sur un portable. Les mères de famille déposent souvent leurs enfants dans les centres commerciaux plutôt que de les laisser seuls à la maison. Il n’y a pas un seul quartier qui soit sûr. 80 % des commerces ont fermé et ceux qui restent encore ouverts doivent payer le droit du sol aux mafias sous peine de mortelles représailles.
Dégâts collatéraux
Tous ces assassinats ont engendré un grand nombre d’orphelins qui se retrouvent dans des situations dramatiques. Il y en aurait plus de 12 000. Un Fonds d’aide du gouvernement a bien été mis en place, mais les conditions pour obtenir une assistance sont si bureaucratiques que personne n’y a droit.
Les nantis
Ceux qui possèdent un visa américain, c'est-à-dire la classe moyenne, habitent de l’autre côté du Rio Bravo, à El Paso, aux États-Unis. Ironiquement, la ville la plus sûre des États-Unis, n’est séparée que par une rivière de la ville la plus dangereuse du Mexique : deux villes jumelles qui ont pourtant vécu ensemble toute la vie.
Le gouvernement a envoyé l’armée pour tenter de ramener un peu de sécurité dans la ville, mais son action violente et toute-puissante a été très mal ressentie par la population qui a exigé son départ au bout d’un an. Est arrivée la PFP, la Police Fédérale Préventive, mais c’était, peut-être, lâcher la proie pour l’ombre : 71 % de la population n’a pas confiance en elle, tant elle est corrompue, et 25 % déclarent avoir été victimes d’abus policier.