A première vue, c'est un paradoxe. Alors que toutes les majors du pétrole se désengagent du raffinage en Europe - Shell et BP ont tout vendu, Total va fermer ou se séparer de deux raffineries, le géant chinois du pétrole fait une percée sur ce marché ! Petrochina vient ainsi de signer, le 10 janvier, un accord de participation aux activités de raffinage et de négoce du Britannique Ineos sur ses deux sites européens : la raffinerie de Lavéra, près de Marseille, qui alimente en carburants la France, la Suisse et le sud de l'Allemagne ; et la raffinerie de Grangemouth, en Ecosse, qui alimente le Royaume-Uni. Le partenariat, si l'accord-cadre se confirme, prendrait la forme de deux co-entreprises à 50-50, selon le quotidien économique Les Echos.
L'intérêt d'Ineos pour ce partenariat est évident : ce petit acteur du raffinage est très endetté. Grâce à l'investissement chinois, Ineos peut espérer maintenir à la fois les emplois et la compétitivité de ses équipements sur un marché qui s'est rétréci.
Pour Petrochina, les motivations sont plus obscures. « Ça ne peut pas être la rentabilité immédiate, estime l'expert pétrolier Pierre Terzian, de Petrostratégie, étant donné la mollesse de la demande européenne de carburant, mais la compagnie chinoise parie peut-être sur la reprise de cette demande... à long terme. Dans ce cas, les acquisitions européennes de Petrochina auront été une bonne affaire, car elles sont peu valorisées en ce moment. »
L'implantation du Chinois pourrait avoir d'autres avantages : mieux connaître le marché européen et y avoir une tête de pont dans le négoce des produits pétroliers. Enfin - et c'est peut-être la motivation principale, estime Constancio Silva, spécialiste de l'aval pétrolier à l'IFP (Institut français du pétrole - Energies nouvelles) -, les Chinois s'intéressent au savoir-faire pétrochimique de leur partenaire européen. Ineos était avant tout un chimiste avant de racheter les raffineries de BP, il y a cinq ans, et la société britannique a toujours le projet de développer sur le sol chinois ses compétences pétrochimiques, pour la fabrication, par exemple, des fibres de carbone.