Dans les années 70-80, Gérard Louis-Dreyfus finançait son développement dans le coton, le sucre, le café et les agrumes uniquement sur les capitaux familiaux, avec l'aide de quelques emprunts. Ce temps semble révolu. La direction opérationnelle du groupe Louis-Dreyfus envisage sérieusement une entrée en bourse pour augmenter son capital. La fusion avec le concurrent singapourien Olam serait un des moyens d'y parvenir, la cotation à Singapour se ferait d'emblée. Elle donnerait naissance au 3ème champion mondial du négoce, derrière Cargill et ADM, mais devant Bunge, tous basés aux Etats-Unis. Il pourrait s'agir à minima de co-entreprises entre les deux groupes pour réaliser des économies d'échelle et augmenter leur périmètre de fournisseurs. Sachant qu'Olam est très présent en Afrique occidentale et en Afrique australe, et que Dreyfus s'est beaucoup développé dans les Amériques.
Chacun a en tête la clientèle asiatique, dont la demande en alimentation humaine et animale est croissante. Là-bas, les maisons historiques du négoce sont concurrencées par les nouveaux venus asiatiques, de plus en plus puissants : Wilmar, Noble... et Olam. Louis-Dreyfus, avant de devenir numéro un mondial du commerce du riz, du coton, numéro deux du sucre, et l'un des principaux négociant de blé et de maïs, fut fondée par le fils d'un cultivateur alsacien qui se mit à vendre du blé en ville, il y a près de 160 ans. Olam aussi est né très modestement. Son fondateur ? Un Indien qui exportait de la noix de cajou du Nigeria. La différence c'est que Sunny Verghese est en 20 ans devenu directeur exécutif d'un groupe puissant, coté à Singapour, qui négocie aujourd'hui cacao, café, épices, riz et huile de palme !
Alors plutôt que de se concurrencer, pourquoi ne pas s'allier ? Les deux groupes ont le même objectif : ne plus se contenter du négoce des matières premières et contrôler toute la chaîne. Louis-Dreyfus a ainsi racheté l'an dernier le numéro un du sucre au Brésil, des plantations de canne aux usines de sucre et d'éthanol. Olam assure déjà transformation, conditionnement et distribution des produits agricoles jusqu'aux sites de l'industrie agro-alimentaire asiatique.
Cette concentration nécessite de plus en plus de capitaux ; les actifs dans l'alimentaire aujourd'hui valent de l'or. L'entrée en bourse du groupe français serait opportune, mais elle n'est pas acquise, il faudra convaincre les héritiers de Robert Louis-Dreyfus, très attachés au caractère familial de la société, et à sa discrétion légendaire, puisqu'on ne connaît toujours pas ses bénéfices !