Premier contrat à terme européen sur la poudre de lait face à la volatilité des prix

C'est dans l'enceinte du Salon international de l'élevage à Rennes (ouest de la France), au lendemain des déprédations effectuées par des éleveurs laitiers désespérés par leur faible niveau de revenu, que la bourse Nyse Liffe a annoncé le lancement du premier contrat à terme européen sur la poudre de lait. S'il se développe, ce contrat pourrait devenir un outil aux mains des transformateurs du lait, puis des producteurs, pour affronter les fluctuations de plus en plus violentes des prix en Europe.

Avec le démantèlement de la Politique agricole commune (PAC), la courbe des prix du lait est devenue folle en Europe. La disparition des stocks communautaires de poudre de lait et de beurre, celle progressive des quotas de production et la réduction au minimum du prix d'intervention payé aux éleveurs en cas de crise, la destruction de ces remparts a rendu le marché européen du lait très perméable aux influences du marché mondial, tenu par la Nouvelle-Zélande et l'Australie.
On l'a vu à partir de 2007 lorsque la sécheresse australe a ruiné la production de lait dans cette dernière région : le prix de la poudre de lait a grimpé de 120% en Europe, pour s'effondrer pratiquement d'autant l'année d'après. Difficile dans ces conditions de maintenir des prix du lait stables aux éleveurs, comme c'était le cas en France jusqu'à présent. D'où le malaise actuel des producteurs peu préparés à de telles variations de prix. Difficile aussi aux industriels de tenir leurs marges, certains ont été mis en grandes difficultés.

C'est dans ce contexte que Nyse Liffe lance le 18 octobre le premier contrat à terme européen sur la poudre de lait. Un marché à terme servant aux opérateurs à se couvrir des fluctuations de prix, l'idée paraît plus qu'opportune.
Pourtant le volume proposé par contrat, 24 tonnes, soit 250.000 litres de lait, exclut d'emblée la participation des éleveurs laitiers individuels, déplore un producteur. «C'est, reconnaît le responsable des marchés chez Nyse Euronext, un contrat quasi-exclusivement réservé aux industriels, qu'ils vendent de la poudre de lait ou qu'ils l'achètent. 24 tonnes, c'est la capacité d'un camion de poudre de lait. Pour l'instant, déplore-t-il, il n'y a pas de prix de référence du prix du lait en Europe, étant donné l'hétérogénéité des productions dans l'Europe des 27».

Chez Nyse, comme chez Offre et Demande agricole qui co-parraine ce lancement, on estime que ce marché permettra au moins aux éleveurs d'avoir une visibilité sur plusieurs mois des cours de la poudre, qui participe de plus en plus étroitement à la formation des prix du lait.
«On peut aussi imaginer des regroupements de producteurs qui leur permettrait de participer à ce marché à terme» lance un autre éleveur. Son inquiétude porte plutôt sur l'opacité qui règne sur l'état des stocks de poudre détenus par les fabricants, très puissants en France : «Quelle transparence des prix dans ces conditions ? » se demande-t-il. Les promoteurs du nouveau contrat plaident la vertu de l'exemple : les concurrents de l'industrie du lait dans les pays voisins, de taille beaucoup plus modeste, joueront le jeu, parient-ils. Confiants, ils prévoient ensuite un contrat à terme sur le beurre au premier trimestre 2011. Et peut-être, un jour, un contrat à terme sur le lait.
 

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