Le caoutchouc au plus haut depuis 50 ans

Le titre de Michelin, le fabricant français de pneumatique, a subi une forte baisse en cours de séance à Paris, jeudi. Les investisseurs s'inquiètent de la hausse de la matière première, le caoutchouc, qui atteint des records historiques : plus de 3 500 dollars la tonne de caoutchouc à Singapour. Il s'agit là d'un chiffre jamais égalé depuis la guerre de Corée, il y a plus de 50 ans. Même au plus fort de la flambée des matières premières, en juillet 2008, le produit de l'hévéa n'avait pas dépassé les 3 200 dollars. Le regain est spectaculaire, après une année très morose. Cela étonne les acteurs du caoutchouc eux-mêmes. « C'est un marché très inhabituel, reconnaît-on chez un courtier spécialisé, à Londres. En décembre 2008, on était au plus bas, à 1 300 dollars ! »

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette hausse vertigineuse. D'abord, la sécheresse dans les pays producteurs et le principal d'entre eux, la Thaïlande. El Niño a sévi et la production 2010 devrait être moindre également en Malaisie et au Vietnam, respectivement 3e et 4e producteurs mondiaux mais aussi en Chine. En Indonésie, 2e champion mondial, ce sont au contraire les pluies diluviennes qui, en ce moment, perturbent la récolte, le latex et l'eau ne faisant pas bon ménage. On entre par ailleurs dans la période d'hivernage ; deux à trois mois pendant lesquels les paysans ralentissent, voire cessent de saigner les hévéas, qui perdent leur feuille et qu'il faut laisser se régénérer. Enfin, le Vietnam et secondairement l'Indonésie ont annoncé des plans de coupe pour renouveler les vieilles plantations, ce qui signifie 6 à 7 ans sans caoutchouc dans ces endroits.

Tout se conjugue pour que la production semble ne pas répondre pas aux attentes, plus importantes cette année, alors que l'industrie automobile se reprend un peu aux Etats-Unis et qu'elle repart sur les chapeaux de roue en Asie ! Les perspectives de consommation gargantuesques de caoutchouc en Chine, l'annonce mardi dernier d'une nouvelle usine de pneus Bridgestone en Inde, l'autre marché d'avenir de l'automobile, alimentent la spéculation sur le caoutchouc qui ne s'est finalement pas encore raréfié dans les faits.

Ce qui est sûr, commente un négociant, Martin Rouveyre, c'est que « les stocks sont au plus bas chez les fabricants de pneumatiques, ils les ont consommés l'an dernier, quand la demande de l'industrie automobile était molle ». S'ils ont racheté du caoutchouc à tour de bras en janvier et février, ils sont contraints aujourd'hui, après une hausse des prix de 20% en trois mois, de se limiter à des acquisitions très ponctuelles. « Les producteurs, eux, se frottent les mains », commente un cadre parisien de SIPH, le numéro un africain. Le caoutchouc ivoirien, ghanéen, libérien ou nigérian s'est vendu jusqu'en Asie en début d'année, or ses prix sont alignés sur ceux de Singapour !

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